[Portfolio] L’art contemporain s’empare de ces milliards de messages qui envahissent nos boîtes mail. Une matière d’une inépuisable richesse pour décrire le monde moderne. Le spam, promesse de notre futur ?
« Vous avez reçu un message indésirable.” Produits paramédicaux, demandes d’argent, jeux en ligne, annonces aguicheuses, boursicotages, voyages de rêve, Enlarge your penis : dans votre boîte mail et dans votre poubelle tombent chaque jour des dizaines de spams. Ces messages parasites savent passer les filtres de détection, représentent une masse considérable des communications effectuées sur cette planète et font surchauffer les serveurs informatiques.
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« N’importe quel archéologue ou un historien du futur, commente l’artiste et théoricienne Hito Steyerl, venu de ce monde ou d’un autre, les considèrera comme une part de notre héritage, de notre apparence, autant dire comme un vrai portrait de notre époque et de nous-même »
C’est sans doute la raison pour laquelle artistes contemporains, sociologues ou poètes s’intéressent à cette masse trashée de messages inter-humains. Quelques exemples à l’appui.
Spam story
D’où vient le spam ? D’une marque de viande salée américaine en boîte de conserve, Spam®, distribuée aux soldats US pendant la Seconde Guerre mondiale, et très populaire aux USA. En 1970, un fameux sketch des Monty Python se moque allègrement du Spam : produit peu ragoûtant mais omniprésent dans les supermarchés et la publicité, son nom va bientôt désigner au début des années 1980 ces messages indésirables qui commencent très tôt à pulluler sur Internet.
Spam Painting
En 2014, le peintre new-yorkais Nick Darmstaedter, né en 1988 à Los Angeles, mais qui est installé depuis à Brooklyn, présentait à la galerie Bugada-Cargnel à Paris une série de peintures dans lesquelles il reprend des spams. De format allongé, les images sont des répliques de captures d’écran, sérigraphiées sur la toile.
Volontairement, Nick Darmstaedter a choisi des mails déjà anciens, datant des années 1990, et renvoyant à ses yeux à sa propre adolescence en même temps qu’à “un âge d’or du spam”. Une esthétique à la fois vintage et micro-informatique se dégage de ces toiles où le spam fait l’objet d’une réappropriation. Basculement dans l’ère Internet : les ready-made de Duchamp et les sérigraphies de Warhol sont désormais des data informatiques, la peinture tire sa source iconique du monde des écrans et de l’ordinateur. Bienvenue dans la médiasphère.
Pop up vidéos
Remarquable essayiste et artiste vidéaste d’une intelligence acérée, auteure d’un article sur le spam (« The Spam of the Earth« ) dans le catalogue de la nouvelle Triennale du New Museum, l’artiste berlinoise Hito Steyerl emploie la forme du spam dans ses propres vidéos : multi-screen, images pop up, messages indésirables, c’est tout le rythme effréné, syncopé et l’esthétique ultra-contemporaine du spam qui vient parasiter l’ordre traditionnel du film. Pour Hito Steyerl qui participera à la prochaine Biennale de Venise, les images spam qui représentent des corps performants, perfectionnés, sont la promesse de notre humanité présente : “L”image spam est une image de notre futur.”
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