Crowded House, magasin d’antiquités Beatles désormais fermé, Neil Finn s’aventure en solo sous un soleil d’automne. “Essayez de siffler ça”, titre gonflé, avait de quoi affoler : c’est précisément ça, cette capacité à édifier des chansons pop trop tarabiscotées et donc insifflables, qui nous a toujours empêchés de devenir résidents de Crowded House. Le groupe […]
Crowded House, magasin d’antiquités Beatles désormais fermé, Neil Finn s’aventure en solo sous un soleil d’automne.
« Essayez de siffler ça », titre gonflé, avait de quoi affoler : c’est précisément ça, cette capacité à édifier des chansons pop trop tarabiscotées et donc insifflables, qui nous a toujours empêchés de devenir résidents de Crowded House. Le groupe avait pourtant de sacrés atouts : sa patrie sublime, bien sûr, cette Nouvelle-Zélande où le groupe des frères Finn fut une sorte de parrain discret d’une des scènes les plus belles et ignorées de la terre de Clean aux Chills à Chris Knox, on tient là quelques merveilles à déterrer pour les générations futures. Ensuite, quelques chansons dispersées, îlots acérés et redoutables dans un océan partout ailleurs un peu trop souvent de miel (on a toujours gardé une place au chaud pour Tall trees ou Only talking sense). Des lames de rasoir dans la crème glacée, comme le chantait récemment Baby Bird : une bénédiction dans cette pop habituellement trop sage et trop adulte, qui rappelait l’architecture néo-zélandaise et sa manie de copier jusqu’à la lèche-botterie les monuments anglais. Ici, le monument qui fit beaucoup d’ombre à la Crowded House s’appelait les Beatles, un gratte-ciel dont les frères Finn escaladeront la face la plus ensoleillée (le mccartneyen Last day of June) comme la plus sombre et rugueuse (le lennonien Locked out) quitte à souvent finir en sueur, à plat. Les ambitions heureusement à la baisse, Neil Finn ose, pour la première fois, suivre son frère dans la voie solitaire, deux ans après avoir liquidé Crowded House. Deux années de rencontres décisives les arrangements suaves de Marius de Vries, metteur en son chez Massive Attack ou Madonna, la basse élastique de Sebastian Steinberg, prêté par Soul Coughing et de retrouvailles émues la patte chaude de Mitchell Froom, aussi fin que chez Ron Sexsmith.
Et on a essayé de siffler ça : test passé les doigts dans le nez(o-zélandais) par une poignée de chansons qui gagnent en rock ce qu’elles ont perdu en baroque, en minutie. Sans doute parce que c’est l’été et qu’on a laissé notre peigne fin dans les poches d’un manteau, on se laisse même aller à fraterniser à outrance avec Souvenir ou l’emphatique King tide, deux scènes romantiques et imparables, où les violons emportent sans forcer quelques larmichettes. Le genre de chansons derrière lesquelles Oasis, dans le désert depuis trop longtemps (et qui se demande à quoi ça sert, toutes ces règles un peu truquées, etc.), court désormais avec un gros point de côté. Par contre, on sait que même l’hiver venu, on se pelotonnera toujours avec autant de félicité dans les méandres de Faster than light, chanson digne du meilleur Apartments, avec son lyrisme rembruni et sa mélodie en forme de lézard. Car ne jamais oublier que ce disque, qui sort à la fin du printemps chez nous, sort au début de l’hiver en Nouvelle-Zélande. D’où ses belles teintes de feuilles mortes, son hospitalité de pull de laine, sa chaleur de feu de bois.