En confondant Pete Doherty et Andy Picci, Le Parisien a offert à l’ex-étudiant en art son quart d’heure de gloire warholien.
Last exit to Melun
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Le leader des Libertines a toujours eu le don de donner raison aux rumeurs les plus folles. En une de son édition seine-et-marnaise du 21 septembre, Le Parisien assure ainsi que l’enfant fou d’Albion a posé bagages dans la douce bourgade de Melun. Exit les histoires de coloc parisienne avec Macaulay Culkin, Pete Doherty se serait assagi depuis son passage en cure de désintox. On a beau se frotter les yeux, l’info est fiable puisque dévoilée par le chanteur lui-même en interview. La photo de une, elle, l’est beaucoup moins. Si la panoplie est au complet, du chapeau au collier, le visage n’est pas le bon : il appartient à Andy Picci, un jeune artiste italo-suisse qui a suivi des études d’art à Londres avant de rappliquer à Paris.
Copy control
La photo a été prise en mars 2014 sur les bords de la Tamise par des paparazzis qui ont confondu Picci avec Doherty. Résultat : en la dénichant dans les bases de données d’agences de photo sous le mot-clé “Pete Doherty”, Le Parisien n’a pas mis en doute ce qu’on lui présentait comme vrai, et s’est retrouvé pris au piège de l’illusion. Mais n’est-ce pas le propre de toute image de ne donner à voir que ce que l’on nous dit qu’il s’y trouve ? Dans L’Essence du christianisme (1841), un Feuerbach visionnaire ne disait-il pas : “Et sans doute notre temps préfère l’image à la chose, la copie à l’original, la représentation à la réalité, l’apparence à l’être. Ce qui est sacré pour lui, ce n’est que l’illusion… mais ce qui est profane, c’est la vérité.” Platon, lui, se retourne dans sa tombe.
…Sinon, aujourd’hui j’ai fait la couverture du journal Le Parisien. Ils ont juste mal orthographié mon nom. http://t.co/dHVF3vJnQj
— Andy Picci (@AndyPicci) 21 Septembre 2015
Richard Prince + Cindy Sherman
L’histoire n’est pas tant celle d’une méprise que d’une mise en abyme vertigineuse. En revêtant les signes distinctifs de Doherty et en ne détrompant pas ceux qui le confondraient avec lui, Picci se mue en doppelgänger et explose les codes de la mise en scène propre au star-système. Car qu’est-ce que l’icône Doherty sinon un ensemble de signes gravés dans l’inconscient collectif ? En incarnant un faux Doherty sur une photo présentée comme vraie, le sosie s’inscrit dans une démarche appropriationniste à la Richard Prince, questionne la construction des identités (coucou, Cindy Sherman) et tacle notre société du spectacle. “Je l’ai rencontré plusieurs fois mais on n’a jamais évoqué cette prétendue ressemblance”, a-t-il raconté aux inrocks.com. Peut-être parce qu’il n’y a de ressemblance que dans cette construction médiatique.
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