Avec Marienbad électrique, et après Dublinesca et Impressions de Kassel, Dominique Gonzalez-Foerster est à nouveau au cœur d’un roman de l’écrivain espagnol Enrique Vila-Matas.
“Voilà où j’en étais quand, me rendant compte que Dominique et moi nous espionnions avec une dissimulation de plus en plus subtile, je me suis souvenu du conseil de Stamford à Watson : ‘Alors étudiez-le ! Mais vous trouverez le problème épineux ! Je parie qu’il en apprendra plus sur vous que vous n’en apprendrez sur lui’.”
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Marienbad électrique doit sans doute autant son titre à la ville où Vila-Matas faisait “une expérience privée” lorsque Dominique Gonzalez-Foerster l’appela pour lui proposer de participer au catalogue Chronotopes & Dioramas qu’à L’Année dernière à Marienbad de Resnais et Robbe-Grillet qui, avec Roussel, Perec, Borges, Barthes ou Bioy Casares, comptent parmi les références communes de l’écrivain et de l’artiste. Enrique Vila-Matas y lève le voile sur l’enquête secrète (et réciproque donc) qu’il mène depuis 2007 sur celle avec qui il cultive “des malentendus heureux”.
Malentendus qui les conduisent sur ce temps long de l’échange à inverser leurs rôles : “Je suis donc un cinéaste secret et DGF une romancière très active. Ecrivain sans cabinet, elle invente aussi des façons d’écrire différentes. Moi je suis un cinéaste sans œuvre”, écrit Vila-Matas après avoir livré cette description très cinématographique, justement, de son objet d’étude : “DGF le matin, légère comme le vent, flottant dans un brouillard que le gel teint en mauve, vêtue d’alpaga, comme Klaus Kinski dans le film Fitzcarraldo.”
Dominique Gonzalez-Foerster, une “évadée de la littérature”
La fiction est en marche, qui s’agrippe aux lieux, fictifs ou réels, que l’artiste et l’écrivain ont traversés ensemble : depuis la maison-musée de García Lorca, où DGF a installé en 2007 une bibliothèque horizontale, jusqu’à cette table du café Bonaparte, à Paris, en passant par “l’humidité sonore” de Nocturama, un hôtel de Cascais au Portugal, dévasté par une tempête dans L’Etat des choses de Wim Wenders, ou la chambre unique et transparente du Splendide Hotel déployée dans le Palacio de Cristal de Madrid.
C’est dans cette géographie si particulière que Vila-Matas chemine avec le lecteur, délivrant par petites touches quelques-uns des secrets qui jalonnent sa relation avec DGF. Distillant mille anecdotes, celle d’une DGF insomniaque et “évadée de la littérature” formulant la nuit des idées qui “apparaissent très souvent comme une aurore boréale”. Semant ailleurs le doute lorsqu’il laisse penser que son roman est ventriloqué : “DGF n’envisagerait-elle pas de m’y confiner dans la seule idée qu’embusqué à l’intérieur de son installation je cherche à entrer vraiment dans son œuvre ?”
Avant de conclure par cette pirouette empruntée à un autre illusionniste génial : “Rien ne nous est plus proche que cette déclaration de Duchamp : ‘J’aime le verbe croire. En général quand on dit ‘je sais’, on ne sait pas, on croit… Vivre c’est croire ; c’est du moins ce que je crois’.”
Marienbad électrique (Christian Bourgois), traduit de l’espagnol par André Gabastou, 128 pages, 15 €
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