Ancien spécialiste des coups-francs passé maître dans l’art de la feinte et du bluff.
Je me souviens avec précision de ton art inimitable de tirer les coups-francs. A l’époque, tu avais 15 829 repas d’affaires en moins dans l’abdomen, tu incarnais la France heureuse des Ritals assimilés sans souci dans l’identité tricolore, le FN était borgne et plafonnait à 1 %, et même si les Allemands gagnaient (presque) toujours à la fin, le panache était plus volontiers dans nos vestiaires.
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Lorsqu’une faute adverse à 20 mètres se présentait à ton appétit de chasseur de lucarnes, surtout légèrement excentrée vers la gauche, tu posais le ballon avec nonchalance, prenait quelques pas de recul et, détail crucial, tu jetais toujours un regard furtif par-dessus le mur, invariablement du côté opposé de celui où tu finirais par expédier ta céleste praline.
Un demi-aveu de traîtrise
Cette feinte magistrale et souvent gagnante m’est revenue en mémoire la semaine dernière, lorsque tu déclaras dans une interview à l’agence Associated Press avoir “peut-être dit” aux dirigeants du foot américain que tu voterais pour la candidature des Etats-Unis en vue de l’organisation de la Coupe du monde 2022.
Au final, tu t’en es officiellement vanté, tu as accordé ton suffrage de président de l’UEFA au Qatar, qui emporta la mise, bluffant ainsi les Amerloques avec autant d’aplomb que les gardiens dont tu trouas jadis les filets. Outre ce demi-aveu de traîtrise, c’est la suite de l’interview qui élève l’art de la litote en chaussures de ville à hauteur de celui de tes exploits en crampons.
“Sarkozy ne m’a jamais demandé de voter pour le Qatar…”
Revenant sur ce dîner secret autour de Nicolas Sarkozy, alors président de la République, de l’émir et du Premier ministre qataris, lequel précédait le vote en question, tu lâchas ainsi :“Sarkozy ne m’a jamais demandé de voter pour le Qatar, mais je savais que ce serait bien”, et le journaliste de AP de préciser que tu avais sorti ça “en souriant”.
Sacré Platoche, tu t’apprêtes à succéder à Sepp Blatter sur la plus haute marche du foot mondial, en prenant la tête de la Fifa, un poste qui pèse des milliards, mais toi tu fais état de tes petites combines comme s’il s’agissait d’une mise de deux euros aux paris sportifs. La gestion Blatter, c’est des soupçons de corruption à grande échelle, un vaste maillage de fric et de pouvoir digne d’une puissante multinationale arrogante et glaciale.
Petit deal entre amis
Avec toi, si on s’en tient à ta désinvolture souriante, il s’agirait juste d’un petit arrangement entre potes, trois fois rien, du style : “Avec Sarko on avait un peu forcé sur la grappa, on a dit à Mohamed : ‘tu la veux ta coupe du monde, Momo ?’ Tope-là, couscous, j’ai promis la même aux McDonalds mais t’inquiète, le contre-pattes, j’ai beau ressembler à Jacques Villeret, j’en maîtrise toujours la technique…”
Ainsi s’est visiblement monté ce petit deal entre Sarko et ta pomme (avec pour arbitre le coffre-fort déguisé en pays qu’est l’émirat), l’un héritant une fois éjecté de l’Elysée de conférences pipeau royalement payées, et toi du soutien sans faille des fortunés pétroliers pour faire carburer ton ambition.
Mais c’était sans compter sur la contre-attaque de Blatter dans le temps additionnel, lequel vient de te charger comme un mulet – tu aurais touché pas loin de 2 millions de la Fifa –, et celle-là c’est toi qui ne l’as pas vue venir. Comme quoi, l’art du coup-franc, s’il sert aussi pour les coups tordus, peut aussi conduire droit dans le mur.
Je t’embrasse pas, tu peux te brosser (le ballon)
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