Dessins figuratifs, muraux abstraits, sculptures en altuglas : Stéphane Calais pratique un art tout-terrain.
Sur un mur, un dessin abstrait ressemblant à une cible est criblé d’impacts de carabine à plomb. Placardés à côté, deux chiffres sont superposés comme une addition dans un cahier d’écolier… « Target est une pièce conceptuelle et romantique dont le principe consiste à tirer autant de coups de fusil que la somme des âges des deux amants », explique Stéphane Calais, 34 ans, qui connaît aujourd’hui une double actualité, en exposant à Paris et à Castres. Auteur de sculptures et de pièces picturales, cet habile manipulateur de concepts et de matières a souffert au début des années 90 d’une maturité formelle qui tardait à venir par rapport à Malachi Farrel et Franck Scurti, ses compagnons de route à l’Institut des hautes études en arts plastiques de Paris. Néanmoins, inspiré par l’enseignement Support-Surface de Claude Viallat et pressé par la réalité économique, Stéphane Calais s’oriente vers l’aventure des muraux ou wall-drawing : « un art en situation plutôt qu’in situ » qui lui vaudra un large écho dans les pays nordiques et une quasi-indifférence en France.
Aujourd’hui, en parcourant la galerie Nelson à Paris, on a la trompeuse impression d’une uvre fragmentée et sans véritable dénominateur commun. Une sculpture en osier reposant sur une peau de vache tannée, derrière elle un wall-drawing représentant un gigantesque bocal de poisson et, plus loin, encore un mobile composé de sphères en altuglas jaunes et rouges qui scintillent sans oublier, dans un recoin, des croquis presque trop classiques de paysages anodins réalisés sur le vif. « Que ce soient les dessins, les muraux et les objets, tout avance ensemble. Je réalise une pièce quand les conditions s’offrent à moi. » Dès lors on comprend mieux le décalage entre ses dessins fluides et ses sculptures statiques au design urbain et rural, comme cette wagonnette Fiat dont l’intérieur est recouvert de bois et d’inox, ou ce skate saisi et écrasé dans une tranche en polyuréthane lors d’une exposition au Frac Champagne en 1995. Des objets et des matériaux issus d’une culture de la glisse dont l’usage relève d’une réflexion spéculative sur l’image en général. Afin de retrouver le geste du dessin et la qualité de l’impression sérigraphiée, pendant deux semaines Stéphane Calais s’est attaché à la réalisation d’un tableau par jour, reproduisant des objets anodins sur des formats d’affiches publicitaires.
A Castres, entre bande dessinée et sketch absurde, il présente une série de quatre micro-aventures entamée en 1999 : Général Ludd : une biographie stupide. Reprenant le personnage inventé par la presse britannique au XIXe siècle, symbole de l’esprit réactionnaire qui s’opposait à l’industrialisation de l’Angleterre, Stéphane Calais jongle entre narration et abstraction, représentant Ludd sous les traits d’un petit gland à deux pattes, cousin proche de Humpty Dumpty. « C’est à la fois une insulte et un signe de longévité. Cette série se suffit à elle-même et rejoint mes préoccupations d’ordre politique et esthétique : un questionnement constant sur l’image. »