La chaîne câblée américaine Adult Swim diffuse en ce moment la saison 2 de “Rick and Morty”, série animée portée par le papa de « Community », qui trouve en elle le moyen de sublimer la nostalgie et analyser le monde d’aujourd’hui à travers des univers extraterrestres complètement fous.
Au premier coup d’œil, c’est une série animée comme on en a déjà vu des dizaines. Une famille dysfonctionnelle et des créatures surnaturelles qui se côtoient dans des situations les plus absurdes. Pourtant Rick and Morty est bien plus que cela. C’est une ode à la tristesse déguisée en comédie, qui cachait déjà à peine ses ambitions dans sa première saison, et montre toutes ses couleurs dans la saison 2.
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Morty est un petit garçon ordinaire, un peu plus naïf que la moyenne. Il est systématiquement embarqué par son grand-père, un inventeur de génie alcoolique et grossier, dans des aventures fantastiques qui impliquent la plupart du temps la visite de planètes inconnues regorgeant de monstres improbables. Contrairement aux représentations habituelles des aliens dans les séries animées, qu’on affuble aussi naturellement qu’étrangement d’une morphologie plus ou moins proche de celle du corps humain (deux yeux, quatre membres, une bouche), Rick and Morty offre un panel immense de bêtes les plus hétéroclites et les plus surprenantes.
Dans le troisième épisode de cette nouvelle saison, Morty fait ainsi la connaissance de “Fart” (“péter” sic), un être constitué de gaz qui communique par télépathie et a le pouvoir de changer la composition de tous les atomes, comme transformer l’oxygène en or. Cet être supérieur, que Morty doit sauver car il attire les convoitises de toutes les galaxies, est aussi drôle que poétique, surtout lorsqu’il fait voyager le petit garçon dans un monde de rêves où la vie n’est qu’un long égarement dans l’espace aux allures de clip vidéo surréaliste.
Dans Rick and Morty, il n’est pas rare que plusieurs réalités coexistent ; c’est même sur ce principe que reposent les meilleures réflexions métaphysiques de la série. Aussi, lorsque le garçon et son grand-père partent en mission dans l’espace, ils laissent Jerry, le père de Morty à la « garderie », où d’autres Jerrys ont été abandonnés par d’autres Ricks et Mortys partis en voyage dans d’autres réalités. A la fin de leur aventure – généralement à la fin des vingt minutes de l’épisode –, ils viennent récupérer leur Jerry, ou plutôt un Jerry, car il arrive qu’il soit difficile de les différencier.
Le thème de l’identité revient souvent dans ce deuxième volet, et ce dès le premier épisode, alors qu’une dispute entre Morty et sa soeur a fracturé le temps et créé l’existence de plusieurs réalités. Contrairement à des films qui ont traité ce sujet, comme Pile & Face (1998) dans lequel le destin d’une femme change radicalement en fonction de sa capacité à monter dans un train ou non, ici le créateur de la série Dan Harmon montre qu’il n’existe que d’infimes différences entre les réalités engendrées.
L’expression de la nostalgie de Dan Harmon
Harmon trouve en Rick and Morty, sa première série animée, toute la liberté dont il ne disposait pas lorsqu’il était aux manettes de Community, série méta pourtant déjà bien déjantée. Community était fondée sur l’intertextualité et les références à la pop culture ; Rick and Morty peut fonctionner en vase clos. Elle joue avant tout sur la nostalgie, utilise les codes de la série animée comique classique pour mieux les détourner, se permet de réfléchir sans détour et sans fioritures au sens de la vie. Où l’on sent en filigrane toute l’intensité du clown triste Harmon et l’importance cathartique de son nouveau projet.
Dans le deuxième épisode, Morty découvre le jeu virtuel « Roy », dans lequel il va jouer « à la vie » en incarnant un homme depuis son enfance jusqu’à sa mort. Il doit ainsi choisir entre travailler pour un marchand de tapis ou poursuivre sa carrière de footballeur professionnel, retourner au boulot après avoir vaincu un cancer ou partir voyager… Au final il mourra à l’âge de 55 ans en tombant d’un escabeau. « 55 ans, c’est pas mal« , souligne son grand-père blasé, « Tu as quand même un peu gâché ta trentaine avec cette passion pour l’observation des oiseaux. » L’enfant, qui a l’impression d’avoir passé 55 années dans la peau d’un autre, mettra du temps à s’en remettre.
Marie Turcan
Rick and Morty, à voir gratuitement sur le site Adult Swim, et en France à partir du 9 octobre 2015 à 22h50 sur France 4
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