Premier musulman français à assumer publiquement son homosexualité, Ludovic-Mohamed Zahed va ouvrir une mosquée « inclusive » à Paris.
Un sourire, une poignée de main un peu frénétique : Ludovic-Mohamed Zahed nous accueille avec vingt minutes de retard au restaurant de la Grande Mosquée de Paris. Fondateur de l’association Homosexuels musulmans de France (HM2F), ce militant de 35 ans enchaîne les interviews ces jours-ci. Un musulman qui décide d’ouvrir une mosquée gay-friendly en plein débat sur le mariage pour tous, ça attire les foules, forcément. Le concept : un lieu de culte « inclusif », ouvert aux homosexuels, bisexuels, transsexuels, femmes imams et/ou non voilées, et même aux non-musulmans. Le mot d’ordre, c’est un peu « Venez comme vous êtes », finalement ? « Oui, c’est ça ! » répond Ludovic-Mohamed dans un rire. La première prière « ouverte à tous » aura lieu le 30 novembre à Paris, dans un dojo bouddhiste prêté pour l’occasion. Une vingtaine de personnes sont inscrites. Mais peu importe le nombre, c’est « l’exemple » qui compte.
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Alors qu’il fréquente assidûment des salafistes d’Alger – sa ville natale – se laisse pousser la barbe et apprend le Coran par cœur, Ludovic-Mohamed découvre son homosexualité à 17 ans, auprès de son meilleur ami :
« On avait dormi ensemble des milliers de fois, raconte-t-il, le regard pensif derrière ses lunettes. Mais cette nuit-là, j’ai ressenti une attirance sexuelle. Ça a été un grand choc. »
« Ou l’islam est une supercherie, ou je suis un pervers »
Complètement perdu, le jeune homme regagne Paris, où il a grandi au sein d’une famille algérienne peu pratiquante. Tiraillé entre « deux visions du monde irréconciliables », il renonce bientôt à toute spiritualité. « A ce moment, il n’y a que deux possibilités pour moi : ou l’islam est une supercherie, ou je suis un pervers. »
Ludovic-Mohamed choisit de vivre son homosexualité au grand jour. Et commence ce qu’il décrit comme une longue « traversée du désert ». Il découvre les fêtes du milieu gay parisien ; travaille beaucoup aussi, s’assurant un brillant parcours universitaire, en psychologie cognitive. Sa séropositivité, découverte à 19 ans, lui vaut d’être victime de quelques injustices et humiliations. Au point de quitter l’Ecole normale supérieure, poussé par le « harcèlement » des autres étudiants. A 25 ans, second choc :
« Je me suis rendu compte que j’étais vivant, malgré le sida. Mais je n’arrivais pas à construire ma vie. Je me suis alors réintéressé à la spiritualité. »
Il se tourne d’abord vers le bouddhisme et entreprend même un voyage au Tibet. « J’ai beaucoup apprécié de pouvoir fréquenter les monastères, se souvient-il. Mais j’ai entendu les mêmes discours misogynes et homophobes. Je me suis dit : c’est partout pareil. Autant revenir à l’islam. »
Le projet d’une mosquée inclusive s’impose à lui peu à peu. « J’ai écouté les besoins des gens et vu la nécessité des choses. » L’objectif : « vivre une recherche spirituelle authentique, hommes et femmes ensemble ». Si le projet n’enchante pas particulièrement les institutions musulmanes traditionnelles, Ludovic-Mohamed n’a pas pour autant la sensation d’avoir mené un combat difficile.
« Plein de gens nous ont soutenus, se félicite-t-il. Certains me disent : ‘Vous êtes le vrai Islam, ouvert et apaisé.’ Les pères de famille ne veulent pas transmettre un islam sexiste à leur fille. La donner en mariage, vierge, à un musulman, ce n’est pas ça, l’islam. »
Premier musulman français à s’être marié religieusement à un homme – civilement, en Afrique du Sud, où le mariage gay est autorisé – Ludovic-Mohamed soutient le mariage pour tous « à 200 % » et appelle à marcher le 16 décembre pour soutenir le projet de loi. Désormais en paix avec sa spiritualité et fort de son militantisme, il n’a qu’un rêve : voir grandir un islam progressiste en France. Et épouser à nouveau son mari, sur le sol français cette fois.
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