La seule candidate des primaires républicaines rattrape Trump dans les sondages. Trump ne peut s’en prendre qu’à lui-même : sa misogynie a offert à Carly Fiorina, pro-business et anti-avortement, un marchepied idéal.
Le débat républicain du 17 septembre n’a pas été un tournant de la campagne, mais il a marqué un infléchissement de la main mise de Donald Trump sur la primaire. D’une manière inédite, le tourbillon Trump semblait perdre son mojo. Ses attaques ad hominem qui l’ont placé au top depuis le mois de juin n’ont pas eu l’effet escompté sur le public ; il a même essuyé quelques bides.
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Peut-être parce que le débat s’est déroulé dans une banlieue riche de Los Angeles? Le public de Simi Valley, où le revenu annuel médian par foyer dépasse les 80.000 dollars, ne représentait pas le cœur de son électorat.
Trump s’est trouvé plusieurs fois en difficulté par la seule femme du pack, Carly Fiorina. Le premier sondage après le débat fut sans appel : Trump chutait de 8 points à 24% d’intentions de vote, Fiorina montait à 15%.
Carly Fiorina, c’est celle dont Trump a dit au magazine Rolling Stone la veille du débat : « Regardez-moi cette tête ! Quelqu’un peut-il voter pour ça ?«
Trump a bien tenté de nuancer la saillie, une fois face à elle : une fois président, « Je prendrai soin des femmes ! Je respecte les femmes !
– Je crois que les femmes de tout le pays ont très bien compris ce que dit M. Trump », a-t-elle simplement répliqué, déclenchant une salve d’applaudissements.
Un nom qui reste associé à des vagues de licenciements
Carly Fiorina n’est pas la candidate parfaite. Femme d’affaires ambitieuse, elle a cassé des plafonds de verre (première femme dirigeante d’une entreprise du top 20 de Fortune 500) mais son nom est associé à des échecs et des vagues de licenciements. Elle a dirigé sept ans Hewlett-Packard, avant d’être débarquée par le conseil d’administration en 2005, suite au douloureux rachat de Compaq ; elle a aussi conseillé John McCain en 2008 (défaite face à Obama) et tenté de devenir sénatrice de Californie en 2010 (défaite, là aussi).
La stratégie narrative de Fiorina est résumée sur la page de garde de son site carlyforpresident.com : « Seulement aux Etats-Unis, une jeune femme qui démarre comme simple secrétaire peut gravir les échelons et devenir dirigeante d’une des plus grandes entreprises de technologie du monde ». Elle flirte aussi avec le populisme : « Nos pères fondateurs n’ont jamais voulu d’une classe de politiciens professionnels. Ils pensaient que citoyens et leaders devaient s’engager. Si vous en avez assez, si vous pensez que les citoyens doivent dire stop et tenir tête aux politiciens, rejoignez-nous ! ». Avec cette phraséologie anti-Washington, elle creuse le sillon de Donald Trump. Mais c’est ce qui marche le mieux en ce moment, avec une cote de popularité du Congrès à moins de 15%.
Elle attaque Trump en tant qu’ancienne dirigeante
Les points forts de Carly Fiorina pour contrer Trump, c’est qu’elle est à la fois très semblable à lui, avec son pedigree de dirigeante. Mais c’est aussi la plus différente, en tant que femme. Au lieu d’attaquer Trump sur son côté grotesque et d’enclencher un stérile concours d’insultes, elle attaque son bilan de dirigeant, puisqu’elle en a la légitimité. Elle rappelle que Trump a mené au moins quatre de ses entreprises à la banqueroute. Lui réplique en assurant que l’ère Fiorina a été une catastrophe industrielle pour Hewlett-Packard. Le Tampa Bay Times, qui a vérifié a posteriori ces affirmations, a conclu qu’elles étaient chacune vraies.
Comme Trump, Fiorina martèle qu’elle vient du monde de l’entreprise, pas du Capitole. Elle aurait pourtant bien aimé faire partie du club en se présentant au Sénat en 2010. Son adversaire, Barbara Boxer, l’avait alors décrite comme la figure du capitalisme débridé et sans cœur, responsable de milliers de licenciement lors du rachat de Compaq. Nul doute que si Fiorina continue de progresser dans les sondages, ses adversaires exploiteront cette faiblesse.
Des patrons californiens financent sa campagne
Qui finance sa campagne ? Des patrons californiens de l’ère pré-facebook : l’ancien PDG d’Intel, Paul Otellini. Ou Tom Perkins, qui avait son siège au conseil d’administration d’Hewlett-Packard et à ce titre, avait contribué à virer Fiorina de son poste en 2005. Il a changé d’avis depuis : des publicités fleurissent dans les quotidiens économiques, où il écrit qu’il s’était lourdement trompé à l’époque.
Enfin, le comité de soutien « Super Pac » de Fiorina sort cette semaine un documentaire, promis comme « très intime », détaillant les principaux événements de sa vie privée : son ascension à la tête de HP, sa mise à pied, l’overdose fatale de sa belle-fille et son cancer du sein.
L’autre moment marquant du débat fut le plaidoyer plein d’émotion de Fiorina contre l’avortement. La gorge serrée, elle a évoqué cette série de vidéos virales au contenu choquant produites par le Center for Medical Progress (CMP), un groupe anti-avortement, destiné à montrer les cliniques comme immorales : « Regarder ce fœtus complètement formé sur une table… Son petit cœur qui bat, ses jambes qui s’agitent… Et ce docteur qui demande à garder son cerveau ! […] Je mets au défi madame Clinton et tout autre démocrate de regarder ces vidéos ».
Avec ce plaidoyer riche en trémolos, Fiorina a prouvé qu’elle n’était pas à son aise qu’en économie (évidemment son point fort) mais aussi sur les questions de société à laquelle aucun candidat à la primaire républicaine ne peut déroger. Dans l’hypothèse où Fiorina remporterait ces primaires, un dernier sondage de Quinnipiac annonce que Fiorina sortirait gagnante d’un face-à-face avec Hillary Clinton lors des élections générales.
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