Charles Beigbeder s’est fait remarquer cet été lors de sa sortie sur le FN. Depuis, l’homme d’affaires se fait discret et tente de fédérer un mouvement à droite de la droite pour peser sur les primaires de 2017. Portrait d’un Donald Trump à la française.
Mardi 15 septembre. Tout les élus du VIIIe arrondissement sont réunis pour le conseil d’arrondissement de rentrée. La salle n’est pas bien grande : le VIIIe a beau être l’un des arrondissements les plus chics de la capitale, c’est aussi l’un des moins peuplés. Charles Beigbeder arrive à l’heure, claque quelques bises et s’assoit. Sa carrière d’élu a commencé il y a un an et demi à peine et l’entrepreneur reste discret, le nez plongé dans son smartphone. “Il est plutôt silencieux, susurre un militant socialiste dans la salle. Mais vous allez voir, il s’anime lors du vote des subventions”. Bien vu. Quelques minutes plus tard, la maire, Jeanne d’Hautessere (LR) propose de voter une subvention de fonctionnement au Théâtre du Rond-Point. Beigbeder lève la main : “Je suis contre !” Le conseil sourit d’un air entendu : le théâtre est dirigé par le très médiatique Jean-Michel Ribbes, homme de gauche et ennemi de la Manif pour tous.
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Un “prestidigitateur”
La vie d’élu est une nouveauté pour Charles Beigbeder. Elle date de début 2014 quand l’entrepreneur, furieux de ne pas avoir obtenu de siège sur les listes de NKM à Paris, lance une liste dissidente, “Paris Libéré”. Le mouvement fait le grand écart entre partisans de la Manif pour tous et proches de l’UDI. Il est largement battu un peu partout, sauf dans le VIIIe, où Charles Beigbeder sauve la mise : 24,2 %. Pas de quoi siéger au conseil de Paris. Il devra se contenter du conseil d’arrondissement. Celui des Champs-Elysées, des ambassades et des sièges d’entreprise. La sienne, d’ailleurs, – Audacia, une société de gestion – est située à deux pas.
“Je continue à y aller par acquis de conscience, car j’ai été élu pour ça. Mais je ne sais pas si je vais continuer longtemps, lâche-t-il au lendemain du conseil. Ça ne sert à rien. Tout est décidé en mairie centrale, on n’a la main sur rien. Il faudrait complètement rénover le système. Si j’avais le temps, j’écrirai un livre là-dessus !” Il est comme ça, Charles Beigbeder : cent idées à la minute, un avis sur tout et une énergie surprenante. Après avoir fait carrière dans la bulle Internet, la revente d’électricité et lancé pas moins de cinq sociétés, la politique est arrivée sur le tard. “Charles, c’est un prestidigitateur. Il a le talent de sortir des lapins de son chapeau avec une facilité étonnante, analyse un patron, qui le connaît depuis vingt ans. Ce sont souvent des choses à la fois audacieuses et improbables. Et même si, in fine, les gens autour de lui se retrouvent un peu sur la paille, lui s’en est toujours bien sorti !”
Le FN ? “Une boulette”
En mars dernier, accompagné de Charles Million, il lance avec fracas “Phénix” qui a pour but de présenter chaque mois un programme pour 2017. Quatre mois plus tard, rien n’a été finalement publié et le collectif est fondu dans “l’Avant-garde”, nouveau think-tank utlra-conservateur, qui regroupe le même Charles Million, mais aussi Julie Graziani, égérie de la Manif pour Tous ou Christian Vanneste, l’ancien député du Nord, dont les déclarations homophobes ont fait scandale. “Nous nous inspirons de ce qui se fait aux Etats-Unis”, explique Beigbeder, manière d’évoquer les très conservateurs Tea Party, qui n’hésitent pas à lorgner très à droite pour se faire entendre. Quelques jours après le lancement du mouvement, Beigbeder déjeune d’ailleurs avec Marion Maréchal Le-Pen – “une maturité incroyable pour son âge” – et annonce à un journaliste qu’il “n’hésiterait pas une seconde à voter FN”. De quoi émouvoir jusqu’au sein du Medef et des Républicains.
“C’était une boulette, tente-t-il de tempérer. J’ai voulu dire que je soutiendrai le candidat qui reprendra les idées de notre mouvement. J’ai pris le mauvais exemple. J’aurais dû dire Mélenchon, ça aurait moins fait parler”. Il assure qu’on ne l’y reprendra plus. “Je suis maintenant échaudé, je fais attention”. Pour lui, l’important est de faire émerger des thèmes pour peser sur la future campagne des primaires LR. Ses valeurs ? Education, libéralisme et retour aux valeurs familiales traditionnelles. Ce catholique pratiquant entend par exemple peser pour remettre en cause la loi Taubira. Sur la question des migrants, ce catholique pratiquant assure qu’il “faut respecter ce beau principe de l’asile, qui est d’ailleurs un héritage de la chrétienté”. Mais tempère aussitôt : “Mais si on accueille des gens et que ça se termine en guerre civile, c’est pas un cadeau.”
“Nous sommes des libérateurs enracinés !” conclut Begbeider, en sortant une petite fiche cartonnée sur laquelle il a griffonné un graphique. “Regardez, j’ai fait ça il y a deux jours pour expliquer notre position à un ami”. Sur le papier, deux axes : “libérateur/étatistes” et “enracinés/déconstructeurs”. Le PS est à l’opposé. Et s’il reconnaît “l’enracinement” du FN dans la société française, le parti de Marine Le Pen n’est pas assez libéral à son goût. Même si, “Marion Maréchal a été réceptive à nos idées dans la sphère économique”, souligne-t-il.
“On aurait voulu inviter Alain Finkelkraut”
“Charles est très à droite, mais à 1000 lieues de ce que pense le FN, le défend Géraldine Poirault-Gauvin, qui a fait campagne avec lui à Paris. Au contraire, sa candidature, en captant un électorat très à droite, a permis de faire baisser leur score à Paris !” Pour un ami patron, le position de Beigbeder est même opportuniste : “Il a un côté Donald Trump, il surfe sur les idées de rejet, pour créer une attention médiatique”. Pour celui-ci, le côté “fantasque” de l’entrepreneur est à la fois un défaut et une qualité. “Juste après l’éclatement de la bulle Internet, il menait grand train, avait un superbe hôtel particulier, raconte-t-il. Mais au cours d’un déjeuner, il m’a confié qu’il était à découvert de 15 millions d’euros ! D’autres seraient morts après ça. Lui a su rebondir”. Quitte à faire des mécontents. Depuis qu’il a fait campagne avec lui pour Paris, Jacky Majda, lui, n’a pas digéré ses propos sur le Front National : « Il est ambitieux pour lui-même, il se cherche une écurie et utilise les gens pour son ambition personnelle. Nous lui avons servi de faire-valoir pendant la campagne ».
L’homme d’affaires lui, assure être loin de la polémique. Charles Beigbeder organise d’ailleurs la première université d’automne de l’Avant-garde, le week-end prochain. “On aurait voulu inviter Alain Finkielkraut, mais il avait un empêchement”, se désole-t-il. De quoi se préparer à une future candidature à la primaire des Républicains ? “C’est prématuré”, bafouille-t-il. Nous ce qu’on veut avant tout, c’est que nos idées soient reprises dans la campagne”. D’autres le verraient bien se lancer. “C’est dans son caractère, analyse Géraldine Poirault-Gauvin, qui a fait campagne avec lui à Paris. Il n’hésite pas à y aller s’il estime que ses idées ne sont pas représentées”. En attendant, Charles Beigbeder a de quoi s’occuper. Au dessus de son bureau, il a affiché le plan d’un voilier. “Ah, ça c’est un autre projet, oui. Un rêve ! Un bateau dont on pourrait acheter les chambres, pour faire des croisières à moindre coût. Si on arrive à le faire naviguer 44 semaines, on est rentables” . Et de quoi mettre les voiles si, en affaires ou en politique, l’horizon s’obscurcit.
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