Le plus lettré des chanteurs anglais sortait hier son premier roman, List of the Lost. C’est dans l’antre de velours rouge de l’Olympia qu’il a fêté ça lors de l’unique concert français de sa tournée automnale.
Mettant fin à six ans d’absence, son concert impressionnant au Grand Rex il y a un peu moins d’un an a fait taire tous ceux qui le disaient affaibli par la maladie. Depuis, Morrissey n’a pas sorti de nouvel album, mais son vaste répertoire est si époustouflant qu’on ne peut se résoudre à manquer le moindre de ses passages à Paris.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
https://www.youtube.com/watch?v=rcGGojgYZQw
Après l’avoir vu sur la même scène en 2002 et 2008, on le retrouve de nouveau à l’Olympia, la salle mythique qui a vu défiler plusieurs de ses idoles, d’Edith Piaf aux New York Dolls, en passant par Charles Aznavour. S’il était souvent conseillé autrefois d’arriver tard pour éviter ses premières parties, tout a changé depuis l’an dernier au Grand Rex avec, en guise d’amuse-bouches, la projection de clips vintage, choisis par Morrissey en personne. Cette fois encore, on se délecte de sa nouvelle sélection (à une exception nu-metal près) : Nutbush City Limits d’Ike & Tina Turner, The Show Must Go On de Leo Sayer, une Farruca enflammée du danseur de flamenco José Greco, la poétesse Anne Sexton lisant l’une de ses œuvres…
Le rideau tombe et Morrissey entre en scène, entouré de son groupe, pour démarrer la soirée avec Suedehead et sa mélancolie en mode majeur. Sous l’œil des photographes, il fait virevolter son fil de micro pendant les premiers morceaux (Alma Matters, Speedway), seule figure spectaculaire qu’il s’autorise ces jours-ci. Alors que son jeu de scène bien plus en retenue qu’avant touchait par sa douceur au Grand Rex, on en vient à regretter sa flamboyance à plusieurs reprises. Il faut aussi noter que la setlist comprend une ribambelle de morceaux calmes, peu propices à une gestuelle passionnée.
Une figure se détache parmi les cinq musiciens qui l’accompagnent : Gustavo Manzur. En plus d’avoir co-écrit deux titres de World Peace Is None Of Your Business, il prend du galon en entonnant plusieurs solos en espagnol. Morrissey reprend le premier rôle, serre les mains qui se tendent à lui, annonce entre deux morceaux qu’il sera au concert parisien d’Aznavour le lendemain. A une voix qui lui demande si on peut l’accompagner, il répond : « Oui bien sûr, je serai pressé contre la scène, débordant d’amour ».
Si son attitude est moins physique, sa voix reste la même, reconnaissable entre mille, intouchable dans sa majesté, notamment sur le majestueux Oboe Concerto ou sur Meat Is Murder (dont les vidéos insoutenables provoquent plusieurs malaises parmi les premiers rangs). Le rythme s’accélère vers la fin du concert avec un enchaînement à couper le souffle : Everyday Is Like Sunday, I Will See You In Far Off Places et un époustouflant What She Said qui incorpore un passage de Rubber Ring.
Ce regain d’énergie se confirme avec l’unique chanson du rappel, le chef d’œuvre absolu The Queen Is Dead. Les lumières se rallument sur La Lamentation de Didon, aria poignante de l’opéra Didon et Enée : « Remember me, but forget my fate« . Souvenez-vous de moi, mais oubliez mon destin. C’est ce que Morrissey a déclaré lui-même lors de certains concerts, en allusion à son état de santé. Certaines grandes fulgurances dont on a été témoins à l’instant montrent qu’il n’a pas dit son dernier mot.
{"type":"Banniere-Basse"}