A Genève, Steven Claydon joue les alchimistes dans une relation complexe au temps, convoquant les formes du passé pour produire des objets du futur.
A Genève, l’Anglais Steven Claydon a d’abord visité la Maison Tavel – le musée d’histoire urbaine de la vieille ville –, puis le musée d’Art primitif. Ce qu’il est allé y chercher ne se lit pas immédiatement dans son exposition, hormis dans la reconstitution en trompe l’œil d’une grande porte en bois ou de bas-reliefs oxydés. Mais on imagine que c’est tout à la fois le répertoire de formes exotiques (comme le sont celles, encore méconnues, venues du futur), autant que les modes de présentation propres à l’histoire de la muséographie, qui l’ont intéressé.
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Dans les espaces peints en noir ou recouverts de bandes magnétiques du Centre d’art, on croise des têtes coupées renversées qui rappellent la statuaire antique, des grilles jaunes et de fausses poutres nervurées sur lesquelles a poussé un jardin miniature fait de boîtes de conserve et d’éponges organiques. Un cabinet de peinture (genre muséographique en soi) marque un tournant dans l’exposition. Soit le remake presque fidèle d’une séquence de Solaris dans lequel on aperçoit, sur un fond vert bouteille, cinq tableaux enneigés de Bruegel, dont l’un en particulier, Les Chasseurs dans la neige, est longuement filmé par Tarkovski.
Objets composites, sublimes et monstrueux
“C’est ici, à Genève, que Mary Shelley a écrit Frankenstein”, précise le médiateur, d’un air entendu, devant une immense sculpture suspendue représentant Sénèque. Si cette dernière est modélisée d’après une peinture de Rubens, son visage peint en bleu est un hommage à Pierrot le Fou de Godard.
A ces objets composites, sublimes et monstrueux (si l’on osait cet oxymore), répondent, dans l’espace, des cimaises en vinyle noir qui fonctionnent littéralement comme des aimants. Ajoutez à cela la présence récurrente de l’or, comme dans ces circuits électroniques présentés au mur ou à cheval sur une sculpture, et vous en conclurez que Steven Claydon est un alchimiste qui manipule et transforme les héritages culturels comme d’autres les métaux.
« Mêler matière et narration”
Qu’en pense l’intéressé ? “L’alchimie m’attire, tout comme l’interdisciplinarité qu’induit déjà l’idée de transformation de la matière. Les philosophes de la nature et les présocratiques avaient le luxe de pouvoir nous éveiller au monde, contrairement à la spécialisation aujourd’hui de rigueur dans les sciences. J’aimerais pouvoir mêler matière et narration, et associer étroitement en un même faisceau des éléments de nature contraire. Cet agrégat se chargerait alors des propriétés inhérentes aux différents composants. Ceux-ci se mettraient à collaborer. Avec un peu de chance, ils se mettraient à réaliser des actions autonomes.”
Analogues, Methods, Monsters, Machines jusqu’au 22 novembre au Centre d’art contemporain de Genève, centre.ch
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