Condamnés à payer pour la retraite des baby-boomers sans être sûrs d’en toucher une… Les jeunes actifs l’ont-ils dans le baba ?
En attendant votre frère Thomas à la sortie du bac philo, vous tombez nez à nez avec Stéphanie, 29 ans, votre vieille pote de lycée. Ah ! la Stef… Pas la dernière pour la déconne. Vous prenez un café en vous remémorant l’angoisse des épreuves et les fous rires en biolo à cause de l’haleine de hyène de cette vieille fille de Dufour.
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Et puis, d’un coup, Stef crache tout en vrac : son mariage, son appart, son PEL, sa retraite complémentaire… Là, vous sentez que vous l’avez perdue, la Stef. Pendant qu’elle débite son plan pour les quarante prochaines années, une angoisse existentielle vous étreint.
Rassurez-vous : d’après Cécile Van de Velde, vous n’êtes pas la seule. Dans Devenir adulte (PUF, 2008), elle explique que les jeunes Français sont les plus inquiets face à l’avenir. Un profond sentiment d’appartenance à la “génération paillasson” spoliée par les baby-boomers vous saisit.
11h45. Encore quinze minutes avant la sortie du bac. Stef se barre, elle a un dèj. Un Libé traîne sur la table du café. En une : “Baby-boomers : les enfants gâtés de la retraite”. A bientôt 30 ans, vous avez accumulé laborieusement dix points de retraite. A ce rythme, il vous faudra travailler jusqu’à 72 ans pour toucher une pension à taux plein. Vous évacuez cette pensée et feuilletez le dossier. En résumé, vous l’avez dans le baba.
Le journal reprend les analyses du sociologue des générations Louis Chauvel et d’Olivier Ferrand, du think tank Terra Nova. Ce dernier dénonce la “double peine” de la réforme du gouvernement, “pour les actifs d’aujourd’hui : des efforts importants pour maintenir les retraites actuelles à un niveau élevé, et leur propre retraite amputée demain”. Louis Chauvel confirme la domination de “cette génération qui a eu une vingtaine d’années autour de 1968”, “d’un point de vue matériel, culturel et politique”. Leur solution ? Faire payer les retraités aisés. Vous vient l’envie subite de saigner du soixante-huitard.
Thomas sort tout excité. “J’ai pris “Faut-il oublier le passé pour se donner un avenir ?” Comme sa copine Tania. “Faut-il arrêter de payer pour les vieux pour se donner un avenir ?”, ricanez-vous, revanchard. Tania rétorque, outrée et un brin trotskiste : “Il ne faut pas opposer jeunes et vieux, le problème, c’est que ce sont toujours les mêmes qui payent alors qu’il faudrait prendre l’argent dans les entreprises, augmenter l’impôt sur la fortune, renationaliser…” Ah, les jeunes !
Sur le chemin du retour, vous croisez – décidément – votre vieux pote de fac de socio, Camille Peugny, auteur du Déclassement (Grasset, 2009), où il explique qu’il faut s’attendre à vivre moins bien que nos parents. Un allié. Vous lui faites part de votre envie de saigner un baby-boomer. Il vous calme :
“Opposer les générations entre elles ne fait pas avancer le débat. Il y a des inégalités très fortes entre les retraités, entre les jeunes. La réforme pénalise surtout les classes populaires. Les retraités sont majoritairement employés ou ouvriers, ceux qui se sont enrichis sont minoritaires. Cela fait trente ans que la jeunesse est en difficulté. L’Etat se défausse sur les familles qui font jouer la solidarité. Mais à force, la société se fatigue et il ne restera pas grand-chose pour les petits-enfants.”
A 29 ans, vous vivez encore chez vos parents – comme un jeune Français sur cinq. Après sept ans d’études et cinq à galérer pour trouver du boulot, vous venez de signer votre premier CDI – vous êtes dans la moyenne. De plus en plus de vos amis deviennent propriétaires. Vous y pensez, mais vous n’avez pas d’apport. Vos parents, tout soixante-huitards qu’ils sont, n’ont pas un rond.
Votre téléphone sonne. Votre copine Corinne appelle pour se plaindre de l’attitude de l’agence immobilière dans la vente de l’appartement légué par ses parents. “Ses problèmes de riches”, comme elle dit.
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