Increvable défricheur de son et parfaitement entouré, De La Soul entretient sa légende en refusant de vivre sur ses acquis, attaquant sourire aux lèvres les margoulins du hip-hop. De La Soul n’est pas seulement intelligent et créatif : De La Soul a dû faire vœu de nous enterrer tous et carbure au DHEA. Comment expliquer, […]
Increvable défricheur de son et parfaitement entouré, De La Soul entretient sa légende en refusant de vivre sur ses acquis, attaquant sourire aux lèvres les margoulins du hip-hop.
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De La Soul n’est pas seulement intelligent et créatif : De La Soul a dû faire vœu de nous enterrer tous et carbure au DHEA. Comment expliquer, sinon, que chacun des albums du trio new-yorkais crée l’événement depuis onze ans ? Par quelle magie ces vétérans arrivent-ils encore, au cinquième disque, à faire preuve d’autant de fraîcheur et de lucidité qu’au premier jour ? Par quel miracle réussissent-ils la gageure de se concilier en l’an 2000 les faveurs et l’intérêt des deux camps désormais bien établis du hip-hop, le mainstream et l’underground à défaut de les réconcilier ? En restant eux-mêmes, obstinément, tout en se renouvelant, constamment. Avec, en filigrane, la rage d’en découdre, car son statut de légende n’a jamais exempté De La Soul de se sentir de tous temps incompris.
Dès le départ, le malentendu médiatique fut patent : 3 feet high and rising, un classique qui changea à jamais le cours du hip-hop, leur valut une image policée de rappeurs « hippie-pop » qu’ils n’eurent de cesse de casser en se déclarant morts De La Soul is dead au deuxième album. En dépit d’une acuité de vue rarement égalée, ce manifeste reçut comme son successeur un accueil mitigé. Trop fins, trop cryptés, leurs textes furent contraints de revenir à une limpidité plus terre à terre mais ô combien offensive au quatrième round, Stakes is high (Les Enjeux sont élevés), que le groupe présentait alors comme un ultime tour de piste avant le baisser de rideau final en cas de faillite. De faillite, il n’y eut point et la menace ne fut pas mise à exécution. En attendant le deuxième volet, « plus mental », et le troisième, centré davantage sur l’art du DJ, ce Mosaïc thump développe selon eux la tonalité la plus festive de ce grand œuvre. De fait, il s’agit de leur disque le plus accessible depuis 3 feet high and rising. Un tiers des titres fleurent même bon les club-hits potentiels, à commencer par le premier single, Oooh, un missile mid-tempo shooté aux uppercuts rocailleux de Redman.
De la pléthore d’invités ici présents, Redman est d’ailleurs, avec le percutant Freddie Foxx, celui dont la contribution est la plus intéressante. Nous n’en dirons pas de même de Busta Rhymes, mué en cannibale irritant, ni des Beastie Boys, dont la présence mastarde écrase plus qu’elle ne s’harmonise. On leur préférera les titres sans additifs, comme le divin Thru ya city, une tranche d’allégresse cousue main signée Jay Dee, qui ose ressusciter le Summer in the city des Lovin’ Spoonful et nous replonge tout droit dans la grâce naïve des débuts. L’influence de Prince Paul, regretté producteur parti semer sa fantaisie et son poil à gratter ailleurs depuis cinq ans, reste profonde, comme en atteste View, sur lequel les deux MC Dave et Posdnuos jouent à saute-mouton sur trois notes de piano taquines, mais surtout dans les interludes délirants dont il est le précurseur incontesté. Ici, une herbe magique fournie par Wack-to-Mack Incorporated permet aux rappeurs petits bras d’exaucer leurs fantasmes en leur donnant l’illusion de rimer comme leurs héros Phife (A Tribe Called Quest), Black Thought (Roots) ou Pharoah Monch une façon adroite de fustiger les MC incapables de se forger leur propre style.
Car derrière l’humour et la légèreté de façade, l’ironie mordante de De La Soul continue son travail de sape, qu’il s’agisse de dénoncer la violence (The Art of getting jumped), l’hypocrisie de l’industrie du disque (Foolin), la malhonnêteté de la scène rap (All Good, Declaration) ou la bêtise crasse des faux gangsta-rappeurs (U don’t wanna B.D.S.). Au final, si le trio de Long Island tire parfois un peu trop cette fois sur la corde de la facilité musicalement, on rappellera que c’est pour la bonne cause : infiltrer le message en bases ennemies.
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