En Azerbaïdjan ou à la Biennale de Lyon, l’artiste française Camille Henrot se joue des clichés et prend le pouls des névroses contemporaines.
Il y a quelques mois, l’actrice Lou Doillon avait créé la polémique en déclarant : “Ma grand-mère a combattu pour autre chose que le droit de porter un string.” Dans son viseur : les images de Beyoncé nue sous la douche ou les trémoussements signés Nicki Minaj, deux stars qui, elles aussi, se revendiquent féministes. La chanteuse fut alors taxée de mépris de classe, voire de racisme déguisé, à l’égard de ces icônes populaires et de couleur. Rebelote en juillet, lorsque les MTV Video Music Awards décernent leur prix à la blonde Taylor Swift, suscitant moult commentaires de la part de sa rivale Nicki Minaj qui dénonça sur Twitter les préjugés raciaux à l’œuvre dans l’industrie musicale.
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Si on opère aujourd’hui ce détour musical, c’est qu’une artiste, la Française Camille Henrot, a pris part au débat en produisant une série de dessins graciles et pastels qui seront exposés à partir du 24 septembre au Yarat Contemporary Art Space de Bakou, en Azerbaïdjan, au côté d’autres œuvres signées Neil Beloufa ou Pierre Huyghe.
Clip “radical et majestueux”
Brossés à grands traits, ces dessins rehaussés au feutre de couleur reprennent certaines des scènes suggestives du clip Anaconda de l’Américaine Nicki Minaj. Interviewée par le Guardian, Camille Henrot estime qu’avec ce clip “radical et majestueux”, cette “transe chamanique”, Nicki Minaj endosse volontairement les stéréotypes qui lui collent à la peau. “Elle abuse du cliché de la vidéo de fille noire pour attirer l’attention et nous amener à prendre conscience de notre propre aversion envers la sexualisation féminine, (…) elle nous met au défi d’embrasser nos instincts primaires.”
A la Biennale de Lyon, où elle expose dans l’excellente sélection du musée d’Art contemporain, Camille Henrot reste là encore en prise directe avec le monde contemporain en prenant cette fois le pouls de nos névroses. La pièce est assez drôle, qui dans un écrin vert pistache traversé d’un fil téléphonique vintage en trompe l’œil met en scène un énorme téléphone en forme d’oreille. Sur cet ancêtre de la hotline, en activant les touches Fisher Price du combiné, on peut consulter en direct pour des problèmes de sommeil, une panne sexuelle ou la perte d’un être cher.
Actes manqués
La salle est tapissée de peintures du même acabit que celles dédiées à Nicki Minaj, qui dans la lignée des portraits évanescents d’un Cocteau ou d’un Matisse dépeignent de drôles de petites scènes du quotidien qui semblent elles-mêmes tout droit sorties d’une séance de psychanalyse.
On y voit une série d’actes manqués : ici, une jeune femme est sortie dans la rue, la jupe coincée dans la culotte ; une autre indique à son chien la direction à prendre en mettant sa main dans la gueule du loup, et ainsi de suite. Chez Camille Henrot le monde marche sur la tête, et ça lui va bien.
The Heart Is a Lonely Hunter du 24 septembre au 8 janvier au Yarat Contemporary Art Space, Bakou (Azerbaïdjan), yarat.az
La Vie moderne Biennale d’art contemporain de Lyon jusqu’au 3 janvier, biennaledelyon.com
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