De l’Oculus Rift au futur casque de la PS4 que Sony a dévoilé un peu plus cette semaine, le monde du jeu vidéo s’enthousiasme pour la réalité virtuelle. Et les développeurs indépendants sont parmi les premiers à croire aux possibilités qu’elle va leur apporter.
Dans la ligne droite, vous accélérez. Un coup d’œil à droite, un à gauche : votre bolide file sur le circuit. Mais le virage est déjà là et vous allez vite, beaucoup trop vite… Votre cœur fait un bond, il est déjà trop tard. Les sensations provoquées par la sortie de route ne ressemblent à rien de ce que vous avez pu connaître par le passé avec un jeu vidéo de Formule 1 car vous n’étiez pas assis devant un écran mais, grâce à un casque de réalité virtuelle, plongé dans l’action qui occupait tout votre champ de vision. Impossible d’en sortir, de casser l’illusion. L’accident laissera des traces.
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Bis repetita
C’est la nouvelle tendance que nous vend l’industrie vidéoludique, grosses sociétés et studios indépendants mêlés : la réalité virtuelle (ou VR), avec ses casques à écrans intégrés, voire ses gants équipés de capteurs. La star du secteur est l’Oculus Rift, né grâce au site de financement participatif Kickstarter et racheté depuis par Facebook, mais il y a aussi le future casque de la PS4 connu jusqu’ici sous le nom de code Morpheus et fraîchement rebaptisé PlayStation VR. Et puis le Steam VR de Valve, le Samsung Gear VR (qui, lui, nécessite un smartphone de la marque), le projet open source de Razer et quelques autres, sans oublier l’option sensiblement différente de la réalité augmentée (qui reproduit ce que vous avez devant les yeux en y ajoutant des éléments au lieu de s’y substituer) que suit notamment Microsoft avec son Hololens. La commercialisation à grande échelle de la plupart d’entre eux est attendue dans les prochains mois et une étude évalue à 30 millions le nombre de casques qui seront vendus d’ici 2020.
Tout ça donne un léger sentiment de déjà-vu ? C’est normal, car le monde du jeu vidéo – et pas seulement lui – ne s’emballe pas tout à fait pour la première fois pour la réalité virtuelle. C’est déjà arrivé il y a une vingtaine d’années : Nintendo lançait le Virtual Boy – son échec commercial le plus cuisant à ce jour –, Le Cobaye était sur les écrans… Puis tout le monde est passé à autre chose. Pourquoi en serait-il autrement cette fois ?
Effets secondaires atténués
La première raison, c’est que la technologie a fait d’énormes progrès. Et la VR est sans doute moins une nouvelle mode commerciale qui succéderait à celles de la détection de mouvements et de la 3D relief que d’une étape suivante intégrant ces dernières. Quant aux « effets secondaires » (nausées, maux de tête) du port de casque de réalité virtuelle, ils existent toujours mais sont moins marqués que par le passé et toutes les parties impliquées semblent décidées à tout faire pour les atténuer.
Dans le domaine du jeu vidéo, l’essentiel est cependant encore ailleurs : dans la multitude d’idées que cet avènement annoncé de la réalité virtuelle fait naître chez les créateurs (et pas seulement chez les industriels, donc). Si plusieurs gros studios sont de la partie, notamment poussés par Sony (qui met en avant jeux comme Rigs des créateurs de Killzone), c’est l’effervescence que ces nouvelles interfaces crée chez les indés qui donne le plus envie d’y croire.
« Tout est à découvrir ! »
« En tant que game designer, rien n’est plus excitant pour moi que de concevoir de nouveaux types d’interactions. Les possibilité offertes par la VR sont énormes. Tout est à découvrir ! » s’enthousiasme Alexandre Leboucher du studio lyonnais Agharta qui, avec Epic Dragon (sorti il y a déjà deux ans), Shufflepuck Cantina et un nouveau projet encore secret, fait partie des pionniers français en la matière. « J’ai rarement vu une telle ferveur dans le milieu », poursuit le développeur, qui voit la VR comme « une branche du jeu vidéo futur : elle ne remplacera pas les jeux actuel dans le sens strict mais permettra l’émergence de nouveaux types de gameplay. »
On n’y est pas encore. Pour l’heure, la plupart des développeurs voient encore la réalité virtuelle comme une option, un moyen de renforcer l’immersion de certains types de jeux, en particulier sur le créneau de l’aventure spatiale (Elite Dangerous, Star Citizen). Ou, au contraire, comme un moyen d’épater la galerie. L’essentiel, la véritable nouveauté est dans le rapport à l’espace, plus intuitif, plus vrai (jusqu’à une certaine limite). « Si vous voulez regarder un objet de plus près, il vous suffit de vous pencher en avant, ce qui n’est évidemment pas possible autrement », explique ainsi Chris Kesler, concepteur du prometteur jeu d’épouvante Allison Road, au site Gamasutra.
Extraction radicale du réel
« Tout est à réfléchir en amont. Sinon, tu ne pourras pas avoir une expérience immersive vraiment satisfaisante, surtout au niveau des interfaces et du rythme », renchérit Alexandre Leboucher, qui souligne en particulier la difficulté de mettre en place des systèmes de contrôle convaincants en vue subjective. « Je reste persuadé que c’est possible, mais sous certaines conditions. » Parce que se plonger dans un monde en réalité virtuelle, ce n’est ni comme pratiquer un jeu classique, ni comme évoluer physiquement dans le monde en question. C’est autre chose, qui reste à inventer. L’avenir du jeu en réalité virtuelle se décidera sans doute là : dans ce que les créateurs, artistes et techniciens sauront (et oseront) faire des outils qui s’offrent à eux. Comme toujours, comme pour tout et sans faire abstraction des multiples questions (y compris philosophiques et morales) que pose la VR en permettant une extraction radicale du réel. Laquelle fait envie et un peu peur à la fois – c’est sans doute très bien comme ça.
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