Kenjiro Kagami, Eve Maurice et Yann Durieux : chacun à leur façon, ils mettent en pratique les préceptes du “vin vivant” et proposent des produits atypiques.
Kenjiro Kagami, le Japonais du Jura (Domaine des Miroirs)
Avec son compatriote Hirotake Ooka (qui officie à Saint-Péray, au domaine de la Grande Colline, depuis 2007), Kenjiro Kagami représente l’avant-garde des vignerons japonais installés en France.
Cet ingénieur de formation a quitté son pays en 2001 pour venir étudier l’œnologie et la viticulture. Passé par des vignobles traditionnels de Bourgogne, il a ensuite pris des chemins de traverse et travaillé chez quelques grands noms du vin naturel : Thierry Allemand à Cornas, Bruno Schueller en Alsace – ce dernier durant cinq ans.
Aidé par Jean-François Ganevat, il a finalement déniché un peu moins de trois hectares (principalement du chardonnay et du savagnin) à Grusse, au cœur du Jura, pour s’installer à son compte et secouer ce qu’il appelle “un grand terroir méconnu”. Au domaine des Miroirs depuis 2011, Kagami vinifie sans soufre ajouté des breuvages floraux et complexes, somptueux de vivacité.
La précision et la singularité de ses crus lui valent d’être référencé de Copenhague à New York et bien sûr à Tokyo. En quête de “tranquillité”, lui se montre très peu, la tête dans les vignes – et dans les nuages ornant ses bouteilles.
Eve Maurice, la pionnière mosellane (Domaine Les Béliers)
Après des études d’œnologie et de viticulture à Beaune, elle a relancé le domaine familial près de Metz quand son père – qui faisait du vin à temps partiel – a pris sa retraite à la fin des années 2000. Avec des principes clairs et modernes.
“Nous avons arrêté le désherbant. Notre génération tend vers des méthodes respectant la vigne, le raisin et les humains qui travaillent avec. Ici, nous ne sommes pas labellisés bio mais nos préceptes vont dans ce sens. J’interviens le moins possible, il y a beaucoup d’observation. Si besoin, je peux rajouter du soufre a minima lors de la mise en bouteille.”
Ses vins (cépages auxerrois, pinot gris, pinot noir, gamay) appartiennent pour la plupart à la toute nouvelle et méconnue AOC Moselle. “Je les espère assez droits, tranchants, avec une forte empreinte climatique. J’aime les profils cristallins et minéraux, légers et élégants.” Ses quelque 25000 bouteilles par an sont vendues entre 7 et 12 euros au domaine.
Domaine Les Béliers
Yann Durieux, l’oiseau de Nuits (Domaine Recrue des sens)
Sous ses airs de rasta égaré dans les cuves de bourgogne, Yann Durieux incarne un profil de vigneron totalement contemporain, en alliant la technique des grands vinificateurs et un esprit proche du vin naturel. Solide sur ses bases, il a travaillé une décennie pour le domaine Prieuré Roch, qui produit de grands pinots noirs non conventionnels en nuits-saint-georges.
Lui s’est installé à Villers-la-Faye, sur une appellation de hautes-côtes-de-nuits avec laquelle personne ne rigole. Et pourtant, il rigole, balance des vins aux noms barrés (Love and Pif, White Pinot Why Not) et des grands crus renversants. Ses cépages ? Pinot noir, chardonnay mais aussi aligoté. Le problème ? Trouver ses bouteilles requiert une certaine patience.
Pour aller plus loin : tronchesdevin.fr