Une merveille de fulgurance et de violence sèche vient réveiller le rock hardcore américain : des Stooges de l’ère technologique. Entre une brume atonale plutôt moderne et des velléités instrumentales quasi punks, At The Drive-In fera son chemin. Chaotique mais franc. Flou mais décidé. Inédit de toute façon. Pourtant, on ne comprend pas tout de […]
Une merveille de fulgurance et de violence sèche vient réveiller le rock hardcore américain : des Stooges de l’ère technologique.
Entre une brume atonale plutôt moderne et des velléités instrumentales quasi punks, At The Drive-In fera son chemin. Chaotique mais franc. Flou mais décidé. Inédit de toute façon. Pourtant, on ne comprend pas tout de suite les desseins de leur hardcore cabossé et sans amarres. Mais on sent d’emblée une volonté induite de faire mal, de donner des coups sans trop en prendre. A l’évidence, le quintette d’El Paso (Texas) ouvre une voie nouvelle au cœur des musiques dures. Comme des Stooges de l’ère technologique, sans fondements humains ou mélodiques, ils tissent une trame sauvage et épidermique, sans âme ni brûlures bluesy. Juste une froide machine à tuer, plus torve qu’exubérante. On pourrait parler d’un mélange de Canada Dry et d’éther, soit un combustible malsain qui a le goût du rock’n’roll, n’est pas du rock’n’roll, mais vous fracassera inéluctablement la tête à la première lampée. Le seul embryon généalogique décelable pourrait être un faux air de Fugazi chancelant, mais autant la barque straight-edge de Ian MacKaye cultive la mesure et le dialogue, autant At The Drive-In cherche les crosses et l’affrontement sonique. Et là se profile l’ombre du MC5, soulignée par les coupes afro-électrocutées de Cedric Bixler (chant) et Omar Rodriguez (guitare), exacte réincarnation de la paire Rob Tyner/ Wayne Kramer.
Si les musiques distillées n’affichent pas la moindre convergence, l’esprit belliqueux et rebelle paraphe un héritage évident. Iggy Pop, l’autre enfant prodigue de Detroit, invité et parrain de Rolodex propaganda, ne doit d’ailleurs pas se sentir dépaysé au milieu de ces guitares saturées et savonneuses, en perpétuel déséquilibre.
Après In/casino/out en 1998 et Vaya en 1999, ébauches saignantes mais confidentielles, Relationship of command dynamite enfin la chape d’indifférence qui empêchait le raffut blafard de respirer. Et c’est le label Grand Royal des Beastie Boys qui, assez logiquement, réhabilite le carnage. Un carnage neuf, orchestré par une voix acide et rêche et par des cordes qui feulent ou mordent, c’est selon. Fragile et méchante, bancale et solide, cyclothymique et hachée, la musique d’At The Drive-In s’apparente en somme à une hydre, sans contours distincts. On sait seulement qu’on y stationnera plus d’une nuit.