Avant d’être un passionnant groupe de musiques diverses, Tommy Hools a failli être le nom d’une ligne de vêtements : le design, la texture, les couleurs (rouge et noir) et les formes comptent pour ce trio parisien. Qui propose à la soul une garde-robe inédite sur Popular frequencies, premier album aux étoffes anciennes mais à […]
Avant d’être un passionnant groupe de musiques diverses, Tommy Hools a failli être le nom d’une ligne de vêtements : le design, la texture, les couleurs (rouge et noir) et les formes comptent pour ce trio parisien. Qui propose à la soul une garde-robe inédite sur Popular frequencies, premier album aux étoffes anciennes mais à la coupe résolument moderne.
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Tommy Hools aurait dû être une marque de prêt-à-porter. Comme Fred Perry, dont le fameux polo éclabousse d’un rouge oxygéné le mur du home-studio qui illustre la pochette du premier album de ce trio parisien. Comme Ben Sherman, cet autre parangon de l’élégance vestimentaire chez les mods. Tommy Hools aurait dû être une marque de prêt-à-porter, mais c’est au service du prêt-à-écouter que Nicolas Druel, Laurent Bidoli et Vincent Tarrière ont finalement préféré mettre leur science de la confection, formidable masse de savoir emmagasiné pendant plus d’une décennie au contact des plus grands couturiers de la soul-music : des gardiens de son âme (Sam Cooke, Al Green, Curtis Mayfield) à ses gracieux modernistes (D’Angelo, les producteurs Timbaland ou She’kspere), en passant par ses plus inattendus réformateurs (Who, Jam, Dexy’s).
S’ils n’avaient jamais vraiment eu la fibre et l’étoffe de créateurs de mode, c’est en créateurs mods que Nicolas, Laurent et Vincent allaient désormais pouvoir patronner le futur immédiat de Tommy Hools, dont l’histoire débute quelque part à Paris au début des années 90. Sous les crampons d’une Ranger. Nicolas : « Nous nous sommes rencontrés sur le terrain de la politique, dans les milieux du rock alternatif et de l’ultra-gauche. Laurent et moi étions militants antifascistes. On appartenait à des petits groupes de gens actifs, des bandes d’une quinzaine de personnes articulées le plus souvent autour d’une publication. C’était assez rock’n’roll comme existence, même si je n’ai pas l’impression d’avoir été un bon militant je n’arrivais pas à me lever, je n’étais pas motivé. Il régnait dans ce milieu un esprit très
négatif : il fallait systématiquement s’opposer à toute règle établie. C’était déprimant, stérile et invivable. Musicalement, nous étions tous les trois ailleurs. Vincent, par exemple, n’avait jamais caché sa passion pour le jazz, ce qui faisait un peu tache dans le circuit alternatif. Ce n’est que lorsqu’il est rentré d’un long séjour à New York que Tommy Hools, la marque de vêtements que nous avions imaginé lancer, est devenu un groupe. Laurent et moi bricolions sur nos instruments depuis déjà un moment, mais c’est Vincent qui nous a convaincus que ça pouvait prendre une autre dimension si on s’en donnait les moyens. A cette époque, nous avions tous besoin d’entreprendre quelque chose de positif, d’une grande aventure collective. »
Une aventure dont Tommy Hools commencera par graver la préface sur le vinyle d’une série de maxis tous aussi remarquables que mystérieux et qui voit aujourd’hui le groupe publier l’ambitieux Popular frequencies, album au funk généreux, humaniste et étonnamment charnel. Un disque qui déborde l’échiquier des musiques électroniques sur tous ses côtés, porté par une poignée de pop-songs à la beauté parfois maladroite et donc irrésistible, par les radieuses improvisations du poète new-yorkais Jasiri Kafele, et par un instrumental d’anthologie, l’élégantissime Maire de Venise.
Un disque hors cadre et hors la loi que l’on entend à chaque refrain se taper sur les cuisses en songeant à la bonne blague qu’il vient de jouer à tous ceux qui attendaient ses auteurs au coin du sampler. Pas étonnant : il y a six mois, Tommy Hools était encore un groupe d’abstract hip-hop. Nicolas : « Nous avons commencé à produire des maxis d’abstract hip-hop dans notre home-studio, mais cette musique nous a semblé totalement désincarnée, comme la plupart des musiques électroniques d’ailleurs : après avoir traîné dans quelques festivals, nous avons réalisé qu’elles ne parvenaient presque jamais à exister hors du studio. Pour donner du corps à nos compositions, nous nous sommes alors mis en quête de MC. Faute d’en trouver, et conscients qu’il nous reviendrait très cher de sampler nos disques préférés, nous avons commencé à remplir nous-mêmes les cases vides : en enregistrant des voix par-ci, des guitares et des basses par-là, un peu comme si nous nous étions nous-mêmes invités à la maison pour nous produire. C’est ainsi que les chansons de l’album sont nées. Mais nous ne sommes pas pour autant des musiciens : nous ne faisons que manipuler des concepts. »
Des concepts qui portent les jolis noms de jazz, reggae, rhythm’n’blues, pop, rock, rock-steady ou funk, et dont le maniement assorti n’a, sur disque, jamais supporté l’à-peu-près ou le dilettantisme, si éclairé soit-il. Un défi que Tommy Hools, chez qui les instruments live semblent aujourd’hui avoir pris un ascendant définitif sur les machines, a donc choisi de relever en ressortant les guitares de leurs étuis. Mais pas n’importe comment. Car avant de songer à aller tremper ses doigts dans la soul, Tommy Hools a pris soin de bien se laver les mains : « Pendant des années, tu bâtis tout un monde autour des disques que tu écoutes. Tu as une vision très romantique des choses. Tout change le jour où tu te retrouves à déchiffrer tes disques avec une guitare à la main. C’est ainsi que nous avons appris à nous servir de nos instruments. Et c’est la raison d’être de Tommy Hools : apprendre, essayer de comprendre par la pratique l’essence profonde de la musique qui nous passionne. Evidemment, cette démarche nous a condamnés à l’isolement dans le milieu du rock alternatif, car il était inconcevable pour nous de faire n’importe quoi sous prétexte qu’on ne savait pas jouer. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on s’est alors tous retrouvés derrière des machines. »
On l’aura compris : si Popular frequencies ne ressemble à rien de connu, c’est avant tout parce qu’on y entend un groupe en train de s’inventer derrière chacune de ses propositions esthétiques. Un groupe de petits Blancs au cœur noir et aux idées rouges, qui vient de redonner un peu de sens à un mot mod que l’on ne croise plus que dans les dictionnaires du rock. Vincent : « Ce qu’a fait Paul Weller de la culture mod jusqu’à la fin des années 80 avec Style Council est exemplaire. Lorsqu’en 1989, il propose à sa maison de disques New decade, le dernier album de Style Council, il dit qu’être mod, c’est explorer les formes contemporaines de la soul-music en sortant par exemple un disque de house garage. Il dit qu’être mod, c’est enregistrer avec Romanthony en 1996 ou encore travailler avec Timbaland ou She’kspere en 2000. Nous ne sommes surtout pas des « revivalistes ». Nous nous sentons simplement très proches de cet esprit mod né en Angleterre au début des années 60. » La prochaine fois que vous irez voir Tommy Hools sur scène, prière de laisser les parkas au placard.
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