Mogwai reçoit sans un mot, dans un univers de feu et de glace où il fait doux vivre, rêvasser et observer l’espace. Des mauvaises langues des salauds de jeunes affirment que Mogwai joue du post-rock à l’usage des trentenaires, du post-rock Ikea, du post-rock expliqué aux parents dans leur vocabulaire à eux, de […]
Mogwai reçoit sans un mot, dans un univers de feu et de glace où il fait doux vivre, rêvasser et observer l’espace.
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Des mauvaises langues des salauds de jeunes affirment que Mogwai joue du post-rock à l’usage des trentenaires, du post-rock Ikea, du post-rock expliqué aux parents dans leur vocabulaire à eux, de Can à Joy Division. Ceux-là n’ont sans doute jamais vu Mogwai live : rarement a-t-on eu, en concert, à ce point l’impression de ne pas être invité par la musique, de la gêner. Du coup, les jeunes Ecossais font comme s’ils étaient seuls, recroquevillés en foetus sur leur petite violence, têtus comme des mules au pied d’un mur de son. Comme on ne voit pas toujours très bien ce qui se passe, si le groupe joue ou s’accorde, si les morceaux naissent ou agonisent, on est à chaque fois stupéfait quand les éclairs surgissent de nulle part, quand la chanson prend une forme affriolante. Mais comme on n’est pas né de la dernière pluie de larsen, on comprend d’où vient Mogwai les salauds de jeunes avaient donc raison. Car cette manière de violenter le rock, de lui mettre la tête sous l’eau avec des électrochocs plein les gestes, on l’a déjà assidûment étudiée chez deux groupes morts mais au culte aujourd’hui bien portant : les Anglais de Bark Psychosis et les Américains séminaux de Slint. Que Mogwai revendique plutôt l’influence de Tortoise ou My Bloody Valentine ne fait que confirmer cette appartenance à l’une des plus belles familles du rock des vingt dernières années : une tribu aux devoirs soniques traités avec un sérieux exemplaire, aux exigences d’écriture particulièrement sévères. Car Mogwai a beau être issu de la bouillonnante scène de Glasgow, jamais le groupe ne donne l’impression d’être en récréation, travaillant dur sa chimie et narguant les tables de la physique pendant que Bis fait des concours de pets dans la cour, que Belle And Sebastian s’est enfermé dans la bibliothèque et qu’Arab Strap torture des mouches dans le labo. Une rigueur pourtant jamais sinistre, tant Mogwai est aussi habile aquarelliste que chimiste.
Sur ce premier véritable album, après une compilation de singles rare et déjà époustouflante, Mogwai prend donc le temps d’expliquer sa géographie : sur cette île toujours en chantier (on y entend des volcans, on y voit des geysers, on y admire des coulées de guitare en fusion, des cascades de piano de glace), il faudra donc qu’il y ait des pics et des plaines. Mais des pics lacérants, des plaines de braise, histoire que l’homme ne vienne par trop fourrer son nez dans ce paysage-là. Du coup, l’île de Mogwai est déserte on n’y a pas entendu un mot mais quelques borborygmes primitifs et quand Mogwai chante, on jurerait un Talk Talk toqué, un Blue Nile pollué. Mais une île pittoresque, comme disent les offices du tourisme pour justifier des panoramas aussi singuliers, sans palmiers ni plages de sable fin. Le plus troublant restant l’incroyable chaleur, la remarquable douceur de vivre qui règnent sur ce petit univers de glace et de feu. Quelque chose comme une prise en otage des humeurs, mais par des musiques aux belles manières, secouant les habitudes sans intention de blesser, trifouillant les sens sans aucun goût pour le sang. Du terrorisme, peut-être, car quand même, Mogwai n’est pas là pour faire salon, pour sympathiser avec le papier peint, mais alors du terrorisme vicelard, qui préfère imposer sa dynamique que poser de la dynamite.
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