[La loupe] Alors que son œuvre “Dirty Corner” a été vandalisée une troisième fois à Versailles, l’artiste indo-anglais Anish Kapoor a trouvé refuge et soutien chez des dominicains fans d’art contemporain.
Ô vous, frères humains…
Que prêche ce frère dominicain devant la peinture en silicone molle et visqueuse signée Anish Kapoor ? La tolérance, à coup sûr. Après les multiples attaques portées contre Dirty Corner, l’œuvre de l’artiste indo-anglais exposée au château de Versailles, il a eu “l’audace” d’inviter le paria à investir le couvent de La Tourette, comme ses frères avant lui avaient eu “l’audace de faire appel à Le Corbusier” pour construire, dans les années 50, cette drôle de structure en béton armé. Mais aussi une certaine complexité du monde : “Nous sommes toujours en tension entre ces deux pôles, le charnel et le spirituel”, a admis avec finesse le frère Marc Chauveau, historien de l’art à ses heures.
L’homme par qui le vandale arrive
Le rouge sang de cette pièce intitulée Discrobe rappelle le rouge cuivre du “vagin de la reine” attaqué à la peinture jaune le 17 juin. Au couvent de La Tourette, Kapoor répond à Le Corbusier. A Versailles, en revanche, le dialogue avec Le Nôtre semble plus problématique, ses sculptures en plein air ayant déjà été vandalisées à trois reprises.
Quelques jours après l’inauguration donc, puis le 6 septembre avec des inscriptions antisémites que l’artiste, habilement, a choisi de ne pas effacer. “Désormais, ces mots infamants font partie de mon œuvre”, a-t-il déclaré. Enfin, dans la nuit du 9 au 10 septembre, alors que Kapoor assistait au vernissage de son exposition au couvent de La Tourette et que la ministre de la Culture inaugurait la Biennale de Lyon en rendant hommage à cet artiste capable “de rétablir les conditions du dialogue”.
Un miroir de la société
“L’architecture rigoureuse, sans décoration et sans concession de Le Corbusier structure nos vies, c’est une architecture miroir”, a déclaré le frère Marc Chauveau devant un des Mirror Aluminium d’Anish Kapoor, installé sur les murs en crépi du réfectoire de sa confrérie. L’exposition Kapoor en ce lieu sacré est aussi un miroir tendu aux extrémistes, un pied de nez savoureux qui veut que c’est de l’Eglise, celle-là même dont se revendiquent certains des détracteurs de Kapoor, que vient la riposte.
L’un des graffitis sanctuarisé de Versailles indique “seul le Christ est roi”. “C’est inadmissible”, a commenté avec calme frère Marc avant de conclure : “Les œuvres présentées ici ne sont pas exposées, elles habitent ici.” La messe est dite.