Marguerite de Xavier Giannoli est consacré à une femme, interprétée par Catherine Frot, qui adore l’art lyrique mais dont le drame est de chanter faux. Echantillon des chanteuses réelles ou de fiction du cinéma.
1954
Une étoile est née
De George Cukor, avec Judy Garland
Dans ce film culte objet de remakes, l’inconnue Vicky Lester monte vers la gloire et vit une histoire tourmentée avec son découvreur et mentor. Amour, carrière, chant et rapports de pouvoir se mêlent. Vicky est jouée par Judy Garland, elle-même reine du music-hall et du cinéma, dans la grande tradition des artistes américains qui savent tout faire.
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1972
Lady Sings the Blues
De Sidney Furie, avec Diana Ross
Faut-il confier les rôles de chanteuses à des chanteuses ou à des comédiennes ? Sidney Furie et ses producteurs ont tranché en faveur de la première option. La vie d’une totémique chanteuse noire, Billie Holiday, est jouée par une totémique chanteuse noire, Diana Ross. Le film est correct sans plus, biopic by the book, Diana n’est pas une immense actrice, mais elle est craquante et chante divinement. Icône de la réussite noire américaine post-droits civiques, la Supreme a sans doute puisé au fond d’elle-même, de son enfance et de l’histoire tragique de sa communauté pour incarner la Lady Day, morte prématurément dans la pauvreté et la déchéance.
1977
New York, New York
De Martin Scorsese, avec Liza Minelli
Liza Minelli est l’actrice-chanteuse adéquate pour jouer Francine dans ce film qui pourrait être de son père, Vincente, et joué par sa mère, Judy Garland. Enfin, disons que le matériau (musique et romance tortueuse) est minellien, et le style scorsesien. Liza est ici associée à De Niro et leurs conflits de couples sont synchrones avec leurs conflits musicaux : il penche vers le bebop alors qu’elle serait plutôt Broadway. Dans cette dramédie musicale, Scorsese rejoue le conflit des anciens et des modernes et Liza s’y montre digne de sa maman en chantant classiquement les classiques du music-hall américain.
1980
The Rose
De Mark Rydell, avec Bette Midler
La carrière brève et tragique de Rose, chanteuse de fiction inspirée de la vraie Janis Joplin, et jouée par Bette Midler, sorte de croisement entre Mae West, Barbara Streisand et Maria Pacôme. Immense succès, The Rose a défini le canon du film-rock des années 70-80. On se demande un peu pourquoi, face à cette simpliste histoire de succès et de chute et à l’écoute de la B.O. proposant un blues-rock FM ultra conventionnel.
1985
Sweet Dreams
De Karel Reisz, avec Jessica Lange
Le biopic de Patsy Cline, plus grande chanteuse country de l’histoire tragiquement décédée dans un accident d’avion. Au cœur de ce film honorable brille comme un joyau patiné Jessica Lange. L’actrice est fine, émouvante, plutôt ressemblante à son modèle, et joue bien les parties chantées qui sont constituées des chansons originales de Patsy. Ici, le playback fonctionne bien.
2001
Callas forever
De Franco Zeffirelli, avec Fanny Ardant
Si on a sélectionné ce film d’un grand auteur de croûtes, c’est pour son sujet où la fiction dédouble la réalité du simulacre cinématographique. La Callas n’a plus de voix et un producteur d’opéra suggère de la faire monter sur scène, doublée au chant. L’ardente Ardant n’étant pas chanteuse lyrique, la question du doublage devient réaliste puisqu’elle concerne aussi bien l’actrice que le personnage. Le film peut aussi être vu pour les deux sublimissimes Maria et Fanny.
2006
Dreamgirls
De Bill Condon, avec Beyoncé Knowles
Si Diana Ross incarnait Billie Holiday, il n’est pas illogique que Beyoncé joue Diana, ou plus exactement Deena Jones, modelée sur Diana Ross, et dont le groupe les Dreamettes sont une déclinaison fictive des Supremes. Si le scénario est proche de l’histoire des Supremes, ce n’est pas le cas de la musique, plus proche des comédies musicales de Broadway (origine de ce film) que du son Motown. Une partie des dialogues est également chantée et le son est post-synchronisé, ce qui induit parfois un écart entre la voix et le corps, défaut fréquent du playback qui est ici moins réussi que dans Sweet Dreams. Bref, Dreamgirls est à une revue soul sixties ce que Beyoncé est à Diana Ross : un ersatz bling bling et bien carrossé mais dépourvu de charme.
2007
I’m Not There
De Todd Haynes, avec Cate Blanchett
La performance d’actrice chanteuse la plus singulière du cinéma puisque Cate Blanchett interprète ici un chanteur. Et pas n’importe lequel : le Dylan millésimé 65, soit sa version la plus mythique, celle de Highway 61, Blonde on Blonde et de la tournée anglaise où il passa à l’électricité, se faisant traiter de Judas. Cate est tout simplement époustouflante, incarnant un Dylan crédible et d’une ressemblance hallucinante avec l’original. Et dans cet anti-biopic, elle chante elle-même Ballad of a Thin Man avec son timbre à elle et le phrasé unique du Zim.
2007
La Môme
D’Olivier Dahan, avec Marion Cotillard
Le style baroco-rétro-outrancier de Dahan et la performance over the top de Cotillard emmènent ce biopic vers le kitsch, mais finalement avec une certaine vérité puisque Piaf elle-même était une chanteuse ultra mélodramatique, qui mettait ses tripes sur la table à chaque couplet. La Cotillard y va à donfe, maquillages compris. Elle chante même quelques passages, mais investit le moindre centimètre carré de son corps et de son visage pour la plupart des chansons qui sont délivrées avec la voix de Piaf en playback.
2015
Amy
De Asif Kapadia, avec Amy Winehouse
Terminons avec ce documentaire tissé de tous les régimes d’images contemporains, qui surpasse la plupart des fictions. Amy Winehouse est plus bouleversante que Diana/Billie, Bette/Rose, Jessica/Patsy ou Marion/Edith parce qu’elle ne joue pas, qu’elle est elle-même, ou plutôt qu’elle est en recherche d’elle-même, parce que le corps que nous voyons à l’écran est celui qui produit la voix que nous entendons dans les enceintes, et peut-être aussi parce que sa vie et sa mort nous sont contemporaines, qu’elle est décédée quasiment en direct live sous nos yeux de spectateurs prédateurs de la vie des people 2.0. Et puis elle avait un talent fou, qui en faisait la digne héritière de Billie, Diana, Janis, Edith, ses grandes devancières soul et blues.
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