Ancien rédacteur en chef de la “New York Review of Books” et de la “Paris Review”, Nathaniel Rich signe une fable grinçante et apocalyptique sur fond d’Amérique parano.
Nathaniel Rich avait 21 ans au moment des attentats du 11 Septembre. Il nourrit depuis, peut-être, une phobie de la catastrophe qui, dans son premier roman publié en France (son troisième aux Etats-Unis), se propage à la manière d’un virus. Mais contrairement à la plupart des auteurs qui se sont inspirés de cet événement, Rich appartient à une nouvelle génération capable de parodier l’effondrement des tours, comme de tourner en dérision notre monde soumis au terrorisme, au réchauffement climatique et à la menace nucléaire.
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Son Paris sur l’avenir braconne sur le terrain de la satire, avant de finir en beauté par une fable apocalyptique, en suivant les aléas professionnels d’un champion des statistiques employé par l’industrie du risque. Sa fonction est aussi simple que roublarde : elle consiste à évaluer les probabilités de désastre afin de “blanchir” les entreprises aux yeux de la loi et des familles de victimes. Commence pour ce nerd reconverti en prophète un numéro proche de l’équation futuriste, de la prédiction et du scénario hollywoodien.
Addiction médiatique aux cataclysmes
Par son catalogue de fléaux potentiels – bombardement, krach boursier, guerre sino-amaricaine, tsunami, lettre piégée à la ricine –, Paris sur l’avenir atteint vite des cimes surréalistes, quasi poétiques, tout en sondant les retombées cynico-financières des grands désastres. Qui paie ? Comment le capitalisme gère-t-il ce type de crise ? Plus loin, l’auteur s’interroge encore : “Si vous consacrez votre vie à la contemplation du désastre, une existence privée d’accidents n’est-elle pas une vie vide ?” Une question qui entre forcément en résonance avec notre propre addiction médiatique aux cataclysmes de tous genres.
L’un des présages de ce gourou du risque finira par se réaliser, et par transformer Manhattan en vaste cimetière après le passage d’un ouragan. Le roman de Rich décolle vraiment à ce moment-là, se tirant habilement de la critique sociale un peu formelle pour des pages où s’empilent les visions de New York détruit. Dérivant sur un canoë psychédélique, les personnages n’ont plus que leur survie en tête dans cette fable sombre aux accents de J. G. Ballard.
Paris sur l’avenir de Nathaniel Rich (Editions du Sous-Sol), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Camille de Chevigny, 320 pages, 22,50 €
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