Evénement tardif de la saison estivale anglaise, il s’est pourtant imposé au fil des ans grâce à une programmation riche et audacieuse. C’était ce weekend et on n’en a pas perdu une miette.
On est rentré de End of the Road bizarrement en bon état. Bizarre aussi que personne n’ait hurlé “butt scratcher”, ou que les bruits du « laughing gas » n’aient pas parasité l’écoute, ou même que personne n’ait brûlé sa tente à la fin du festival. Bizarre parce que ces pratiques sont des véritables piliers des festivals Anglais. Mais ici les lacs de boue sont remplacés par des jardins sans fin, les bières chaudes par des tentes dédiées à toutes les blondes locales, les « baked beans » froids par des boutiques de spécialités culinaires et la débauche débilitante par des conférences inspirantes de Richard King, Gabrielle Drake (sœur de Nick Drake) ou Ben Wheatley – ou par un cinéma diffusant des docus classiques.
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Les 15 000 places pour le dixième anniversaire d’End of the Road sont parties en deux heures grâce à une loyauté que seule une décennie de programmation impeccable peut garantir. Le festival attire un mélange de vétérans connaisseurs et de jeunes passionnés de la musique à base de guitares, dans une région classée du Dorset : un véritable jardin d’Eden, où des paons nous effleurent les chevilles et des aras survolent en toute liberté les immeubles victoriens et les labyrinthes végétaux.
Le vendredi nous arrivons juste à temps au Garden Stage pour voir Ought, le groupe qui sort de la langueur post-rock habituelle de leur label Constellations pour livrer un post-punk euphorique entre Feelies et Sonic Youth. Plus tard, on fuit le monde extérieur pour se cacher avec Jane Weaver dans le Big Top, une tente qui ressemble à une grande chambre d’enfant conçue par Michel Gondry, où on se fait ensorceler par sa magie entre la psych-folk de Vashti Bunyan et le catalogue ensorcellant de son label Finders Keepers. Plus tard on se rapproche des grondements et lumières lointaines du Woods Stage pour assister à un set de Tame Impala qui, en restant fidèle aux enregistrements, semble avoir peur de s’aventurer trop loin dans les free-jams ou de descendre dans le chaos – bref, de s’abandonner vraiment au psych-rock.
Le samedi commence sous le plafond étoilé du Big Top avec les crissements harmonieux, enfantins qu’accompagnent les paroles futées de Girl Pool. Plus tard, sous le même plafond, notre rêverie tourne au cauchemar avec la country acharnée, tordue et franchement dangereuse de Fat White Family. Il manque plus qu’une bonne dose de Sufjan Stevens pour remettre les choses en perspective avec un set qui longe le bord du précipice, puisant sa puissance dans le récent album Carrie & Lowell tout en injectant une dose de vitalité à d’anciens morceaux. Malgré le son fluet de cette fin de soirée, la foule semble ne pas vouloir perdre une note et reste en silence complet pendant presque deux heures.
Le dimanche, on commence la journée en douce avec la pop simple mais savante de Happyness. Le groupe balaie l’image qu’on s’était faite d’introvertis – sur la base de chansons entre Yo La Tengo et Sparklehorse – en distribuant des blagues amicales et en invitant ses fans à le retrouver au stand de tartiflettes. Ensuite, à la Tipi Tent, Jessica Pratt nous envoie dans un monde lointain où Tim Buckley et Kate Bush vivent en harmonie. Plus tard, Samuel Herring de Future Islands semble essayer de nous apprendre des danses russes ou nous enseigner l’aérobic : son charisme mène même les plus timides à faire la fiesta. On se remet des exercices en se faufilant dans une clairière dans les bois depuis où on peut admirer la pop indolente de Mac Demarco.
Nous quittons Larmer Tree Gardens le lundi en longeant les vastes étendues de verdure du Dorset et en digérant l’expérience des trois derniers jours. Entre le cinéma, les secrets shows, les conférences, la nourriture et l’esprit aussi amical que passionné qui s’étale des artistes aux foules et même jusqu’au staff, End of The Road nous a donné un dernier rayon de soleil parmi les festivals de fin d’été.
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