Iannis Xenakis, compositeur français d?origine grecque – mais aussi, architecte (il fut l?élève-disciple de Le Corbusier, co-concepteur notamment du Pavillon Philips de l?Exposition de Bruxelles en 1958?), ingénieur, mathématicien et philosophe, est mort samedi 3 février à l?âge de 78 ans.
Figure majeure de la musique contemporaine de l’après-guerre, Xenakis aura affirmé très tôt sa farouche indépendance artistique en rompant dés ses premières uvres avec le neo-serialisme ambiant. Il révolutionne ainsi son (petit) monde en composant en 1954, une partition monstre et séminale Metastasis, pour 61 instruments jouant 61 parties différentes, posant les bases esthétiques d’une musique bâtie sur le principe de l’indéterminisme et du calcul de l’aléatoire (stochastique), dans un rapport au hasard totalement opposé aux recherches contemporaines d’un John Cage.
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Poursuivant ses expérimentations sur les correspondances possibles entre musique et architecture, Xenakis, après un bref passage au G.R.M., affinera son langage dans des pièces comme Achorripsis, pour 21 musiciens, Herma, pour piano et ST/48?
En 1963, il publie son ouvrage théorique, Musiques formelles, et présente dans la foulée, en 1966, une uvre clef, Terretektorh, pour 88 musiciens éparpillés dans l’auditoire, première pièce entièrement spatialisée, conçue et « calculée » comme telle. Cette musique bouillonnante et lyrique, violemment abstraite mais empreinte d’une sensuelle cérébralité, permet à Xenakis de toucher le public et d’être, dés cet instant, reconnu comme l’un des maîtres de la musique du « deuxième 20e siècle »?
Il poursuivra par la suite, avec une grande prolixité (pas moins de 3 uvres par an en moyenne, souvent monumentales ? une pièce comme Jonchaies, créée en 1977, nécessite un orchestre de 109 musiciens !) à composer dans cet esprit un univers sonore inouï, mixte, hybride, mêlant souvent les dernières avancées techniques électro-acoustiques à la voix humaine sous toutes ses formes (Nuits, Cendrées, l’Oresteïa) : une musique dramatique et profondément humaine, dans sa façon de toucher au mythe, particulièrement influente sur la jeune génération. Des compositeurs comme Pascal Dusapin ou Magnus Lindberg avouent volontiers aujourd’hui l’apport de ces partitions, mêlant une extrême sophistication compositionnelle à des accès de violence presque primitive, dans l’élaboration de leurs propres univers.
La musique savante et archaïque de Xenakis ? cette façon de concevoir des uvres graphiques et futuristes, influencée autant par le sens des masses et de la ligne de Le Corbusier que par la conception du son comme matériau brut à la manière d’Edgar Varèse ? n’a pas fini d’émerveiller et de déconditionner les oreilles des générations futures.
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