Champagne-sur-Seine, petite cité déshéritée de Seine-et-Marne, est une des premières villes françaises à accueillir des réfugiés. Comment réagissent ses habitants ?
La petite ville de Champagne-sur-Seine, contrairement à ce que son nom pourrait laisser croire, n’est pas exactement pétillante. Avec 44 % de logements sociaux, un chômage supérieur à la moyenne et son énorme friche industrielle, cette cité de Seine-et-Marne à 80 km de Paris, est pourtant, sans s’être portée volontaire, une des premières à accueillir quelques-uns de 20 000 migrants/réfugiés que la France s’est engagée à prendre en charge.
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Réquisition
Environ 70 réfugiés venus de Syrie et d’Irak sont donc installés depuis le mercredi 9 septembre dans une résidence étudiante en bordure de la forêt. Comment réagit la population ? Comment passe-t-on des images terribles mais lointaines de la télé à la réalité de la rencontre avec ces étrangers rescapés du pire, d’une générosité abstraite à la cohabitation quotidienne ?
Devant l’effervescence provoquée par cet événement, et surtout après avoir été lui-même bousculé alors qu’il prenait le train pour Paris par un de ses administrés qui le tenait sans doute pour responsable de cette “invasion”, le maire de Champagne, Michel Gonord, avait réuni jeudi soir 10 septembre les habitants pour leur exposer la situation et répondre à leurs questions.
Face à une assistance nombreuse, dans une ambiance parfois fiévreuse, le maire s’efforce d’éviter tout dérapage pour exposer des faits. Il rappelle qu’il n’a fait aucune demande pour cet accueil mais que la ville a été choisie car elle dispose avec cette résidence étudiante pratiquement vide d’un espace immédiatement utilisable. L’Etat en la personne de la sous-préfète a donc réquisitionné les lieux en urgence en les confiant à la gestion de l’Office public habitat (OPH 77) et de la Croix-Rouge.
Les réfugiés n’ont pas vocation à s’installer sur place, “Il ne s’agit là que d’un centre de transit temporaire”, explique-t-il. Après détermination de leur situation et de leurs besoins, ils seront “dispatchés” dans les diverses communes qui elles se sont portées volontaires. Le maire ne peut confirmer si cette situation de transit est appelée à durer mais le coût en sera supporté par l’Etat et non par la petite commune.
Inquiétude et solidarité
Les habitants expriment leurs inquiétudes mais surtout leur solidarité. Un intervenant rougeaud s’inquiète de savoir, à la réprobation générale, si les migrants ont subi un examen médical pour détecter “des maladies contagieuses”. Une jeune femme se plaint de n’avoir pas vu la police à la sortie de l’école.
Mais la plupart réaffirment leur sympathie. Un jeune à casquette trouve quand même bizarre qu’une des villes les plus pauvres de Seine-et-Marne ait été sélectionnée et pas l’ultra bourge Fontainebleau, toute proche, mais il évoque la “fierté” que sa ville ait été choisie.
Une femme est longuement applaudie après avoir rappelé que Champagne a un riche passé industriel et donc d’immigration et que nombreux dans la salle sont ceux qui ont des origines étrangères.
Effet médiatique, le responsable de la Croix-Rouge explique que ses services sont submergés sous les offres de volontaires et que les collectes de vêtements sont un succès.
En prison en Hongrie
En ville, les réfugiés se font discrets. Très peu parlent l’anglais, les hommes seuls sont majoritaires même si il y a plusieurs familles avec des enfants, et certains déambulent dans les rues, polis et souriants.
Devant le centre d’hébergement fermé au public, le Dr Mohamed Asmi, chirurgien à l’hôpital de Fontainebleau, discute avec des migrants. Syrien installé en France depuis les années 80, il traduit les mésaventures d’Hassan et Ali, deux jeunes Irakiens avec deux petits garçons dont un dans une poussette, qui ont mis vingt jours à parvenir en Europe. Le pire pour eux semble avoir été leur incarcération pendant une semaine en Hongrie.
Les jeunes gens ignorent totalement ce qui les attend mais affirment espérer rentrer un jour dans leur pays enfin en paix. Le Dr Asmi, qui a monté une association pour aider ses compatriotes, est très ému. Peut-être le petit garçon dans sa poussette qui regarde étonné autour de lui sera-t-il un jour médecin à Fontainebleau ?
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