Deux ans après Marseille-Provence 2013, le succès de la foire ART-O-RAMA, rituel de rentrée de l’art contemporain, témoigne du pari réussi de l’ancrage territorial local face aux modèles importés.
Peu de lieux connotent moins la rentrée que Marseille fin août, alors que la chaleur pèse comme une chape de plomb sur la ville alanguie. Et pourtant, alors que la plupart des galeries parisiennes n’ont pas encore ouvert leurs portes, la foire ART-O-RAMA s’est depuis quelques années imposées comme le coup d’envoi de la saison artistique. Depuis 2007, la Friche la Belle de Mai, ancienne manufacture de tabac et épicentre historique de la vie artistique et associative marseillaise, prête une partie de ses espaces au premier salon d’art contemporain du sud de la France.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Une édition 2015 que Julie Portier jugeait « en pleine forme » dans le Quotidien de l’Art du 31 août. Créée à l’initiative de Gaïd Beaulieu-Lambert et Jérôme Pantalacci, ART-O-RAMA se distingue du paysage déjà saturé des foires par un format et un mode de fonctionnement volontairement décentré. Seulement vingt-et-une galeries sélectionnées par le comité artistique pour la présente édition, contre cent soixante-quinze annoncée à la FIAC parisienne qui ouvrira fin octobre. Un format intimiste garantissant à chaque galerie un stand de 60m2, autrement dit un véritable espace d’exposition où mettre en œuvre des projets curatoriaux innovants. Et déroger ainsi au modèle du show-room et autres étals de marchandises, contrepartie forcée des microstands des mégafoires, au profit d’un modèle qui se situerait plutôt à mi-chemin entre l’exposition et la petite biennale.
Focus sur le dynamisme de la région sud
Mais au-delà des propositions innovantes de chacun des stands, du goût affirmé pour l’émergence voire pour la prise de risque, ce qui s’est joué à ART-O-RAMA est aussi, globalement, la consolidation progressive de l’ancrage territorial. Attachée à son format spécifique, la foire l’est aussi à son identité locale. Avec plusieurs événements en marge de la foire, dont Pareidolie, un salon du dessin, ainsi que le vernissage concomitant des expositions de la rentrée 2015 dans la tour Panorama de la Friche de Mai, la foire a semblé être en mesure de se faire le moteur d’une dynamique artistique exponentielle.
A travers quatre show-room dévolus à de jeunes artistes diplômés des écoles d’art de la région, le salon a confirmé son attachement à mettre en avant le vivier artistique local. Pour cette édition, la Villa Arson, l’école d’art de Nice, a raflé la mise avec quatre de ses anciens étudiants présents sur les quatre présentés. Parmi ceux-ci, on retiendra l’installation La salle des montres de Lorraine Châteaux, une « image dans laquelle on peut se promener » qui se lisait comme une mise en abyme du langage de la foire, reprenant à outrance les codes de la publicité et de la fabrication standardisée de biens de consommation courante. Mais aussi la vidéo de Rafaela Lopez, intitulée Etat d’âme, State of the Mind, où l’on retrouvait une certaine idée du méta- : ici, c’est la vie rêvée des œuvres qui était prise pour sujet, avec des sculptures monologuant sur le monde de l’art, ses rituels et ses tribus.
Un nouveau modèle de développement territorial pour l’art contemporain ?
Pour Anne-Marie d’Estienne d’Orves, adjointe au maire de Marseille et déléguée à l’action culturelle, ART-O-RAMA, de par son succès international, fournit l’occasion d’ »attirer le regard sur le nombre d’artistes présents à Marseille ». Interrogée au sujet de la scène artistique marseillaise, elle est sans appel : « depuis Marseille-Provence 2013, on a l’impression que l’extérieur la découvre. Or s’il est vrai que les artistes de la région sont à présent plus montrés, cette scène a toujours existé. L’événement a permis d’avoir ce regard neuf sur la ville, mais La Friche la Belle de Mai, par exemple, existe depuis vingt ans ».
Parmi les initiatives qui accentuent cette mise en lumière, le festival le Printemps de l’Art Contemporain a fêté en mai son septième anniversaire. Une initiative qui associe à une exposition principale à la Friche la Belle de Mai quatre journées de lancement à travers chaque quartier de la ville, ainsi que l’organisation de tables rondes et de rencontres professionnelles visant à qualifier Marseille après des acteurs du monde de l’art comme un pôle artistique de premier plan.
En 2013, l’opération Marseille-Provence, malgré son rôle de catalyseur, avait laissé à certains l’arrière-goût d’un foisonnement confus, sans réelle identité décelable (un « défaut d’écriture » et un « empilement », relevait alors Olivier Bertrand dans les pages de Libération). Deux ans après, ART-O-RAMA, en creusant le sillon de la scène locale, illustre la réussite d’un nouveau modèle de développement territorial pour la culture.
{"type":"Banniere-Basse"}