En dépit de l’absence de Jean-Marie Le Pen, l’université d’été du Front national a été le théâtre d’un retour aux vraies valeurs du parti. Avec, plus que jamais, l’obsession de la menace migratoire.
Godot n’est finalement pas venu. Si les dirigeants frontistes ont longtemps cru au débarquement impromptu de Jean-Marie Le Pen lors de l’université d’été du Front national qui se tenait cette année à Marseille, le parasitage n’a pas eu lieu.
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Dimanche 6 septembre, l’ancien para, visiblement fatigué, a préféré rester cloîtré dans sa chambre d’hôtel plutôt que de tenter une opération commando. La veille, il avait tenu un raout dans la pampa marseillaise en rassemblant autant d’amis déçus et de militants radicaux frustrés par la “stratégie de dédiabolisation” que de journalistes.
Jean-Marie Le Pen dans une arrière-cour de restaurant
Dans l’arrière-cour d’un restaurant retapissé avec l’ancienne flamme du FN – copie de celle du MSI italien dans les années 70 – où il flottait une odeur de ragoût, le vieux chef a laissé ses convives sur leur faim. Pressé d’appuyer sur le bouton rouge en annonçant la création de listes dissidentes en vue des prochaines élections régionales, l’octogénaire a simplement promis la création d’un “Rassemblement bleu blanc rouge”. Cette structure – à l’appellation déjà contestée par un Nicolas Dupont-Aignan s’en estimant dépositaire –, vise à rassembler en courant tous les lepénistes historiques afin de peser sur la ligne du parti.
Loin du regard de son père, Marine Le Pen en a profité pour mettre en avant le bilan des villes gérées par son parti depuis les dernières élections municipales. Dans une dizaine de stands ripolinés aux blasons et couleurs des différentes cités frontistes, chaque édile vantait les vertus de sa politique municipale à coups de brochures, de défilé de slides Powerpoint et de dégustation de la cuvée locale.
« Il y a deux régions largement à notre portée »
Sur la scène centrale, de nombreuses tables rondes étaient consacrées aux élections régionales de décembre. “Ambition régionale, passion nationale”, tel était le slogan affiché au fronton du Palais des congrès de Marseille. “Nous sommes confiants, confirmait avec le sourire, un cadre frontiste dans les coursives du Palais des congrès.
“Il y a deux régions qui sont largement à notre portée : le Nord-Pas-de-Calais-Picardie et Provence-Alpes-Côte-d’Azur.” Deux territoires où sont en lice Marine Le Pen et sa nièce Marion Maréchal-Le Pen, qui arriveraient en tête au premier tour, selon les derniers sondages.
Diatribes anti-immigration
Tandis que Jean-Marie Le Pen jouait les épouvantails médiatiques, les orateurs frontistes ont labouré son terrain de prédilection, celui de l’immigration. Tout l’après-midi de la première journée de cette université d’été y était consacré.
Habituellement cantonné à des sujets économiques ou sociaux, Florian Philippot y a lui aussi été de son laïus. Stéphane Ravier, le sénateur et maire des XIIIe et XIVe arrondissements de Marseille, s’est “illustré” en déclarant : “Quand les immigrés voient que dans notre pays on défile quasi nu avec une plume dans les fesses, comment peuvent-ils le respecter ?”
Le lendemain, les diatribes anti-immigration sont encore montées d’un cran. Dans ce rôle-là, le secrétaire général du FN, Nicolas Bay, n’a pas eu à forcer son talent. N’hésitant pas à rappeler le slogan d’une affiche du Front national de la jeunesse (FNJ) des années 90 (“Quand nous arriverons, ils partiront”), l’ancien mégrétiste a estimé qu’“il n’y avait plus seulement des territoires de non-droit, mais également des territoires de non-France”. Et de s’interroger à haute voix :
“Combien de Kouachi, de Coulibaly, de Nemmouche, de Sid Ahmed Ghlam, parmi les clandestins qui débarquent sur notre territoire ?”
Loin de la “dédiabolisation”, Bay a parachevé son discours en déclarant que les “sociétés multiculturelles sont par nature multiconflictuelles”.
“Il vaut mieux être clandestin que français en France”
Après la projection d’une courte vidéo présentant des paysages de “France éternelle” digne des fonds d’écran Windows 98, Marine Le Pen a pris le relais. Devant une salle bondée accueillant plus de 3200 personnes, la présidente frontiste a consacré une large partie de son discours de clôture à la question migratoire.
Affirmant sans détours que “l’immigration n’est pas une chance, c’est un fardeau” et qu’aujourd’hui dans de nombreux domaines, “il vaut mieux être clandestin que français en France”, Marine Le Pen a su séduire un auditoire privé de son vieux chef.
Pariant que l’émotion médiatique entourant la photo du jeune Aylan Kurdi n’a pas affecté l’opinion, la présidente du FN a multiplié les propositions pour réduire le droit des immigrés en France (réforme du droit d’asile, reconduite systématique à la frontière des clandestins, suppression de l’AME…).
La patronne du FN déclenche l’hystérie des foules
Même si l’ancien patron du FNJ, Julien Rochedy a pointé sur Twitter le “simplisme” du discours de Marine Le Pen, celui-ci a réjoui les troupes frontistes. Et lorsque la fille de Jean-Marie Le Pen a promis de manière solennelle qu’elle “mettrait l’islam radical à genoux”, les 3000 militants frontistes se sont alors levés spontanément et ont entonné un “on est chez nous” comme pour célébrer un but en finale de Coupe du monde.
Après avoir dressé un tableau apocalyptique de la France façon Jean Raspail, la présidente frontiste a eu une allusion à peine voilée à son paternel au moment de conclure : “Une page se tourne, notre monde est à la fin d’un cycle. La situation est sans commune mesure avec celle que nos parents ont eu à relever.” Assistant au spectacle depuis son hôtel, le cofondateur a compris que même sans lui, le FN restait fidèle à sa vulgate.
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