Robert Redford était en déplacement à Paris pour la promotion de Sundance Channel, chaîne consacrée au cinéma indépendant. Rencontre avec un acteur iconique.
Eternel Sundance Kid
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En 1969, Robert Redford incarnait Sundance Kid, légende de l’ouest et partenaire d’un Butch Cassidy sous les traits de Paul Newman. 10 ans plus tard, il fonde le Sundance Film Festival, compétition annuelle enfouie dans les montagnes de l’Utah, devenu au fil de ses éditions un haut-lieu du cinéma indépendant. L’acteur était de passage à Paris pour assurer la promotion de Sundance Chanel, rejeton télévisuel du festival, dédié à la même mission : promouvoir la production indépendante. Nous l’avons rencontré.
A 79 ans, y a pas à dire, Robert Redford est bien conservé. Des rides viennent évidemment creuser ses joues, quelques mèches blanches se disséminent dans l’or pâle de ses cheveux, et des pattes d’oie dessinées encadrent le bleu de ses yeux. Mais il suffit que son regard croise le vôtre pour retrouver instantanément le Gatsby de Jack Clayton, le Jeremiah Johnson de Sydney Pollack, ou le chasseur de fauves d’Out of Africa. On est bien devant une légende. Et pourtant, la légende est du genre accessible, à cheval sur le tempo (on aura 30 minutes et pas une de plus), mais plutôt volubile.
« J’ai été indépendant tout au long de ma vie »
Lorsqu’en 1985 il devient président de l’Utah Film festival, Robert Redford a déjà une carrière d’acteur bien remplie, son premier film derrière la caméra, Des gens comme les autres, a été couronné de 4 oscars cinq ans plus tôt (dont celui du meilleur film), et il est l’une des belles gueules les plus prisées d’Hollywood. Rien ne le prédisposait donc à jouer aux ermites de montagne pour faire d’un évènement confidentiel, perdu dans les confins de l’Utah, l’un des festivals incontournables de la scène indépendante mondiale. S’augure pourtant un nouveau pan de sa carrière, dédié à la promotion inlassable du cinéma indépendant. Quand on lui demande d’où vient cet appétit pour l’indépendance, l’acteur nous répond, non sans un sourire malicieux « De ma vie ! », avant de poursuivre :
« D’abord ‘indépendance’ est le mot autour du quel mon pays s’est construit. Il revêt de fait une dimension particulière. Pour moi, l’indépendance c’est la liberté de choisir, la liberté artistique aussi. Sundance a toujours été un moteur pour cette indépendance. Mais ça m’évoque aussi ma jeunesse, ce fort sentiment de liberté que j’éprouvais au fond de moi. (…) J’ai été indépendant tout au long de ma vie ».
« Le cinéma indépendant, reflet de notre monde »
Après six premières années un peu en-dessous des radars, le festival prend de l’ampleur lorsque Redford, fraîchement nommé président, décide de le programmer en janvier, en pleine saison de ski, et d’en faire un événement majeur de la planète cinéma. Renommé Sundance Film Festival, il devient le vivier d’une nouvelle génération de cinéastes, Tarantino, Jim Jarmush ou les frères Coen ayant notamment été révélés au gré de ses compétitions. Une montée en puissance à laquelle l’acteur lui-même ne s’attendait pas :
‘Le Festival est rapidement devenu bien plus grand que j’aurais pu l’imaginer. Et je n’étais pas préparé à l’importance qu’il prenait. Passé un certain point c’était comme tenir les rênes de chevaux sauvages, et de devoir les contenir. Il s’agissait alors de maintenir l’intégrité du festival, d’en conserver son but originel. Parfois la démesure d’un événement peut aller à son encontre et il faut rester vigilant, faire attention à garder le contrôle. C’est toute la tension au cœur de Sundance: laisser intact la vision initiale, sans laisser le festival se perdre dans la démesure ».
Lorsqu’on le questionne sur l’imagerie que véhicule le festival, souvent tourné en dérision pour sa tendance à mettre en avant des films tourmentés, parfois jugés dépressifs, Redford esquisse un sourire : « S’il y a des parodies ça signifie qu’on a du succés !« , avant de développer :
« Je pense qu’il y a beaucoup de noirceur dans le monde et que le cinéma indépendant en est le reflet. Nous ne vivons d’ailleurs pas dans l’époque la plus joyeuse et la plus lumineuse qui soit. Mais Sundance maintient la balance (…) et on a toujours essayé d’avoir à la fois des comédies et des films plus sombres. Mais les films plus sombres sont sûrement ceux qui retiennent le plus l’attention ».
En 1996, le succès du festival induit la création de Sundance Channel, une chaîne de télévision ayant pour vocation d’étendre le spectre du cinéma indépendant au-delà des frontières montagneuses de l’Utah. « Quand j’ai pris la mesure de l’ampleur que prenait le festival, explique Redford, « je me suis fait la réflexion : ‘attend un peu, on fait quelque chose de vraiment génial , mais ça ne dure que 10 jours, en janvier, dans les montagnes de l’Utah’« . Devenu depuis le principal diffuseur de films indépendants, Sundance Channel s’est aussi attelé à la production de séries largement acclamées par la critique et le public, comme Top of the Lake de Jane Campion, ou Rectify, dont la troisième saison a été diffusée cet été.
« Si j’étais resté à Paris, je serais fauché »
L’arrivée de Sundance Channel en France, en 2009, a été la première incursion du network hors des Etats-Unis. Une première qui a enchanté Redford. Pour cause, l’acteur entretient une « histoire personnelle » avec l’hexagone. En 1956, avant que sa carrière ne le propulse vers les sommets, le jeune Robert avait passé sept mois à Paris où il étudiait la peinture aux Beaux-Arts :
« J’étais étudiant en art à Paris, et je n’avais pas d’argent. J’ai fait de l’autostop pour aller à Florence et y continuer mes travaux de peintre. Arrivé à Monaco je me suis dit : ‘Et si j’allais rendre visite à Grace Kelly ?’. Je me suis mis sur mon 31, et j’ai demandé à quelqu’un de me prendre en photo, marchant dans le palace à sa recherche. Cette photo de moi, tout fier, existe toujours. Mais bien vite, un garde du palace est venu me rabrouer. ‘Dégage d’ici !’. Il y a donc une seconde photo de moi qui revient bredouille ».
Lorsqu’on lui demande s’il avait déjà envisagé la tournure qu’aurait pris sa vie s’il était resté en France pour embrasser une carrière de peintre, il répond, laconique : « Si j’étais resté à Paris, je serais fauché. »
« L’Art et la Nature »
Acteur, réalisateur, producteur, Robert Redford est aussi un homme engagé sur plusieurs fronts. La défense de l’environnement notamment, pour laquelle il se mobilise fréquemment. Membre honoraire de l’ONG Green Cross International, il sera à Paris en décembre prochain à l’occasion du sommet international de l’environnement organisé par l’ONU. Autant de casquettes qui ne sont pas sans conséquences, et dans ce trop-plein transparaît, sinon une certaine lassitude, du moins une fatigue non dissimulée :
« Parfois ça devient très compliqué. Il y a trop de choses auxquelles penser, trop de choses à faire, trop d’endroits où aller, trop de gens à voir, et à partir d’un moment, il faut savoir freiner. Je pense qu’on doit tous s’engager à faire ce pour quoi on est fait, et pour moi ça a toujours revêtu deux aspects : l’art et la nature. L’art, dans mon travail d’acteur et de cinéaste, la nature, dans l’amour que je lui porte, et ma volonté de la protéger ».
La nature et ses grands espaces ont toujours été un havre pour l’acteur, qui passe une grande partie de l’année dans sa demeure reculée dans les forêts de l’Utah, où on l’imagine bien pêcher à la ligne, dans le lit cristallin d’une petite rivière, bottes en caoutchouc aux pieds. Il est par ailleurs revenu plusieurs fois sur son amour inconditionnel pour les chevaux. A 79 ans, cet éternel cow-boy semble encore avoir quelque mystérieux adage à leur murmurer à l’oreille…
Sundance Channel diffusera le 26 septembre une programmation spéciale afin de rendre hommage à Robert Redford. Deux films remarqués, lors de l’édition 2015 du Sundance Film Festival The Strongest Man et Christmas, Again, seront diffusés à partir de 21 heures.
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