Révélé en ado flippant dans “Chronicle”, bouffon vert dans le reboot de “Spider-Man”, Dane DeHaan nuance de monstruosité son physique de “poster boy”. Dans “Life” d’Anton Corbijn, il incarne James Dean, un monstre sacré.
Un jeune garçon au teint blafard qui confie ses malheurs face caméra, puis s’amuse à faire léviter des objets dans sa chambre, file jouer une partie de football dans les nuages et finit par dévaster une ville tout entière à cause d’un chagrin d’enfance. C’est ainsi que l’on découvrit Dane DeHaan, en 2012, dans un beau film de superhéros signé Josh Trank : Chronicle.
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L’acteur, jusqu’ici inconnu de nos radars, y interprétait avec brio une figure d’adolescent cryptique façon Gus Van Sant, soudain propulsé dans un imaginaire de blockbuster mainstream, une sorte de Peter Parker détraqué qui allait durablement imprimer nos mémoires.
Acclamé par la critique, le film restera sans suite (la Fox ayant jugé le scénario du deuxième volet “trop sombre”), mais suffit à lancer la carrière de Dane DeHaan, qui devint l’un des jeunes noms les plus cotés d’Hollywood et conquit les faveurs des médias. “Ça a été un drôle de tourbillon depuis la sortie de Chronicle, ouaip”, nous murmure l’acteur au téléphone, depuis l’Allemagne où il tourne le nouveau film de Gore Verbinski (“un thriller horrifique cinglé”, précise-t-il).
“Nouveau poster boy”
En à peine trois ans, celui que la presse US baptisa “le nouveau poster boy” est ainsi apparu dans plus d’une dizaine de films, petits objets indé ou grosses machineries commerciales dans lesquels il jouait presque systématiquement le même rôle : celui de l’ado rageur et spleenétique, toujours au bord de l’implosion. Un goût pour les teen-movies obscurs qui le conduit aujourd’hui à incarner la figure la plus mythique de l’adolescence cramée : James Dean.
Dans Life, le dernier film d’Anton Corbijn, il interprète la star de La Fureur de vivre au tout début de sa carrière, lorsque la légende reste encore à imprimer. “C’était un pari insensé, très déstabilisant, rembobine le jeune acteur. J’avais bien conscience du risque qu’il y avait à accepter un tel rôle, mais c’est ce qui m’attire au cinéma : je veux choisir les projets qui paraissent les plus impossibles, dangereux.”
Une autre raison l’a convaincu de participer au film : Dane DeHaan a été élevé dans le culte de James Dean, dont il parle comme d’un “modèle absolu”. “Dès l’enfance, quand je me suis lancé dans le théâtre, j’ai eu une passion folle pour James Dean : je voulais être aussi cool, aussi talentueux que lui. J’étais même dans un rapport d’identification assez obsessionnel.”
Histoire hollywoodienne ultraclassique
La vie du jeune acteur semblait pourtant loin, très loin de l’icône fifties. Dane DeHaan, c’est une histoire hollywoodienne ultraclassique, le parcours sans heurt d’un gamin de l’upper-class programmé pour la gagne. Né en Pennsylvanie en 1986, dans un milieu pas vraiment cinéphile (la mère est cadre d’une grande entreprise), il traverse une enfance sans histoires avant sa découverte hallucinée du théâtre. “Je suis très vite devenu un geek, se souvient-il. J’apprenais par cœur des classiques, je séchais les cours pour aller aux répétitions, je me déguisais dans ma chambre en écoutant Rent (une comédie musicale des années 90 – ndlr). Jusqu’au moment où j’ai compris que ce n’était plus une distraction mais un besoin vital.”
“La télévision américaine est devenue l’un des plus grands viviers de comédiens depuis une dizaine d’années. C’est grâce à En analyse que j’ai été repéré par l’industrie, que j’ai pu enfin accéder au cinéma”
Il s’inscrit dans une école d’art dramatique, déménage à New York, apparaît sur les planches de Broadway, nourrit une passion pour les acteurs hollywoodiens “officiels” (Daniel Day-Lewis, Dustin Hoffman), et trouve son premier rôle marquant dans la série En analyse. “La télévision américaine est devenue l’un des plus grands viviers de comédiens depuis une dizaine d’années. C’est grâce à ce show que j’ai été repéré par l’industrie, que j’ai pu enfin accéder au cinéma”, note l’acteur, qui ne cache pas ses ambitions et affirme qu’il veut “s’inscrire dans la durée”…
Avec son discours rodé et sa biographie sans relief, Dane DeHaan serait au fond un peu commun, voire carrément boring, s’il n’avait ce physique singulier et inquiétant, cette irréductible étrangeté dans le regard. A bientôt 30 ans, le visage à la fois juvénile et marqué, l’acteur cultive une sorte de bizarrerie sexy évoquant le Leonardo DiCaprio tardif, celui déjà vrillé des années 2000.
Energie monstrueuse, sensibilité déviante
Il doit ainsi ses plus grands rôles à des films qui ont pris la mesure de son potentiel dangereux : le polar Kill Your Darlings de John Krokidas (inédit en France), le mélo crépusculaire The Place Beyond the Pines de Derek Cianfrance (il joue le fils de Ryan Gosling), et surtout The Amazing Spider-Man : le destin d’un héros de Marc Webb.
Dans cette suite des aventures de l’homme-araignée, Dane DeHaan incarne un Bouffon vert au sommet de sa méchanceté farcesque et libère toute son énergie monstrueuse, sa sensibilité déviante. Il en parle d’ailleurs comme l’une de ses meilleures expériences, et sort pour la première fois de sa réserve au moment d’évoquer la violente campagne de dénigrement dont a été victime le film sur internet et dans la presse.
“The Amazing Spider-Man a été sacrifié, lâche-t-il. Les gens doivent comprendre que ce sont les studios qui ont le final cut sur ce genre de production. Tout ce qui a choqué les fans avait été décidé par le studio, pour sortir le film le plus consensuel et mainstream possible. Mon avis, c’est que Marc Webb est un grand cinéaste, et que s’il avait pu faire son film comme il l’entendait, il n’y aurait pas eu tant de problèmes.” Le message est plutôt clair : Dane DeHaan ne badine pas avec les monstres.
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