Comment le choc d’une photo aura contribué à changer le choix des mots.
Personne n’est capable de dire ce qui s’est passé ni comment ça s’est passé ; comment la mort de soixante et onze réfugiés, étouffés dans un camion en Autriche, n’a pas suffi au réveil en sursaut des consciences européennes alors que la photographie du petit Aylan Kurdi, elle, a provoqué une émotion considérable.
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Comment le choc d’une photo aura contribué à changer le choix des mots ; comment, après Aylan, les “migrants” qui faisaient si peur sont devenus des “réfugiés” qui serrent le cœur. Il aura donc fallu cette photographie d’un petit garçon mort noyé pour que ce qui était hier perçu comme une horde déferlante retrouve un nom et une histoire, et ainsi l’humanité qui lui était déniée.
Emballement médiatique et émotionnel
Un seul nom, une seule histoire et une seule photo pour les 25000 morts noyés en Méditerranée depuis vingt ans. A l’indifférence la plus glacée, celle qui consistait à bien insister sur “l’appel d’air irresponsable” (Xavier Bertrand, particulièrement inspiré, le 31 août, après de pourtant très vagues propos de tribune de Manuel Valls à La Rochelle) que provoquerait immanquablement une politique d’asile plus clémente, a succédé l’emballement médiatique et émotionnel.
On pourra s’interroger longuement sur la nécessité morale de publier cette photo en une et le vacillement tardif des opinions publiques, comme on pourra regretter la faible réactivité des quotidiens du matin français, comparée à l’empressement de leurs homologues britanniques, mais il faudra se souvenir des ténors de Les Républicains, décidément mal-nommés, soudain tous d’accord pour camper sur une ligne dure et refuser dans un bel ensemble l’idée des quotas de répartition par pays proposée par Angela Merkel et François Hollande. Ce qui serait pourtant le minimum du minimum, surtout après des semaines d’atermoiements et de repli apeuré côté français.
Des milliers de morts auraient pu être évitées
Car il faudra aussi se souvenir que c’est Angela Merkel qui a su, deux jours avant la publication de la photo du cadavre d’Aylan, trouver les mots les plus simples et les plus forts : “Les droits civils universels ont été jusqu’à présent étroitement liés à l’Europe et à son histoire, en tant que principe fondateur de l’Union européenne. Si l’Europe échoue sur la crise des réfugiés, ce lien avec les droits civils universels sera cassé.”
Surtout, il faudra se souvenir, quand l’émotion sera passée aussi vite qu’elle a surgi, hélas, que la mort de cet enfant aurait pu être évitée, comme des milliers d’autres, si les plus influents des Etats membres de l’UE avaient pris la mesure de l’exode syrien et exigé l’ouverture de voies légales aux réfugiés. Au lieu de se calfeutrer en invoquant – carrément et toute honte bue – le prétendu “seuil de tolérance” de leurs sociétés respectives.
La crainte du prétendu prix électoral à payer
La pire irresponsabilité politique consiste à ne rien dire ni rien faire, à regarder ailleurs en attendant que ça se passe, alors qu’il aurait fallu agir et nous rappeler inlassablement à nos devoirs, serait-ce malgré nous, sans crainte du prétendu prix électoral à payer. C’est justement à l’aune de cette absence de courage politique que l’on mesure à quel point Marine Le Pen terrorise déjà les esprits…
Comme le dit parfaitement Martine Aubry, approuvant les déclarations d’Angela Merkel : “Je serai toujours du côté des dirigeants qui, plutôt que de parler à la moelle épinière des gens pour attiser les peurs et le repli sur soi, préfèrent parler à leur cœur pour développer la part d’humanité qui est en eux.”
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