Après plusieurs années d’absence, Wu-Wear, la marque du Wu-Tang Clan, est sur le point de refaire surface. Un événement dans le streetwear.
Il y a quelques semaines, dans les couloirs du salon Magic de Las Vegas, barnum de la mode où se croisent créateurs et acheteurs, Oli « Power » Grant faisait le tour des stands avec un étui griffé du W de Wu-Wear. Stratège marketing historique du Wu-Tang, il avait repris son bâton de pèlerin pour propager la bonne parole : « Wu-Wear va réapparaître et l’esprit du Wu-Tang va bientôt renaître. »
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« L’esprit du Wu-Tang » : c’est sur ce concept que Power a fait du Wu-Wear le porte-étendard du streetwear américain il y a quinze ans. A l’époque, le crew new-yorkais vient de prendre en otage le rap américain avec son premier album, Enter the Wu-Tang (36 Chambers). Portés par un argot suintant leur ghetto natal de Staten Island, blindés de références à la mythologie des moines shaolin, les neuf membres du Wu-Tang détonnent. « Ecouter le Wu-Tang, c’était comme entrer en religion », se souvient Jeff Weiss, journaliste musical du LA Times.
Casquettes, bandanas, baggies et chaussettes siglés Wu-Wear
Le nez fin, Power, ami proche de RZA, l’orchestrateur en chef du Clan, saisit tout de suite le potentiel commercial.
« Il y avait une sorte de fonctionnement subliminal : comme quand tu vois le logo Pepsi et que tu as automatiquement envie d’en boire un, eh ben quand tu voyais les sapes des rappeurs du Wu, tu voulais t’habiller comme eux », expliquait l’homme dans une récente interview.
Power récupère le « W » du Clan et l’appose sur toutes les pièces du vestiaire hip-hop : casquettes, bandanas, hoodies, baggies, paires de chaussettes et paires de godasses inspirées des Wallabee de Clarks. Une collection siglée Wu-Wear et labellisée Wu-Tang pour un merchandising inédit. Popularisée par les rappeurs du Clan, la marque devient incontournable. En 1997, chaque exemplaire du nouvel album du Wu, Wu-Tang Forever, renferme même le catalogue de Wu-Wear. « Nous étions les égéries de notre marque, souligne Power, nous étions nos propres Ronald McDonald. »
Portés par un buzz en perpétuelle croissance, Power et le Wu-Tang ouvrent en 1998 plusieurs magasins sous l’enseigne Wu-Wear, à Staten Island d’abord, puis à Philadelphie, avant de franchiser leur affaire à Atlanta et en Virginie.
En 1998, la marque a déjà rapporté près de 10 millions de dollars
Power veut faire de Wu-Wear une étiquette mainstream, capable de « toucher toute l’Amérique ». Il lance alors une gamme de polos rivalisant avec ceux de Ralph Lauren et Tommy Hilfiger et passe des deals avec des grands détaillants du pays comme Macy’s. En parallèle, plusieurs collaborations avec Nike pour des séries limitées de sneakers voient le jour.
Ultime coup marketing, Power négocie avec les représentants de la maison de disques Atlantic l’enregistrement d’un titre, Wu-Wear: The Garment Renaissance, dédié à la promotion de la marque.
Fin 1998, Wu-Wear a déjà rapporté près de dix millions de dollars au Wu-Tang Clan.
Après dix années de chute libre, liée à la perdition artistique même du Wu-Tang Clan, le Wu-Wear peut-il renaître ? L’affaire pourrait se préciser l’été prochain, avec le lancement programmé de Wu-Brand, une nouvelle collection censée présenter des « contours plus ciblés, moins urbains ». Voilà pour le brief préliminaire.
« Après tant d’années d’absence, il est assez difficile de cerner où la nouvelle marque du Wu-Tang veut se placer », indique pourtant le journaliste Jeff Weiss, avant de nuancer : « Je ne me risquerais pas à parier contre le Wu-Tang. La capacité du Clan à tracer sa route reste intacte. Avec lui, il faut s’attendre à tout. »
Raphaël Malkin
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