Le cinéaste d’horreur est mort le 30 août à l’âge de 76 ans, victime d’une tumeur au cerveau.
Surtout ne vous endormez jamais. Tel est le legs traumatisant transmis par le cinéma de Wes Craven auprès de plusieurs générations d’adolescents délibérément insomniaques, sous peine de se voir empaler par les griffes de la nuit à mesure qu’ils s’enfoncent doucement dans le sommeil.
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Le créateur de Freddy Krueger vient de mourir à l’âge de 76 ans, victime d’une tumeur au cerveau. Il appartenait à une génération de cinéastes américains indépendants renouvelant les codes du film d’horreur, substituant à l’emphase gothique des films de la Hammer un réalisme critique branché sur le monde contemporain. Bien que leur aîné, il ne remporta pas un succès aussi immédiat que Tobe Hooper (Massacre à la tronçonneuse), John Carpenter (Halloween) ou Joe Dante (Piranhas).
Ses premiers films connaissent des carrières confidentielles : La Dernière Maison sur la gauche (1972) ne relève pas encore du fantastique. C’est un rape and revenge, ou des gamins brutaux se font décimer par les parents de filles qu’ils ont violentées. La colline a des yeux (1977) revisite le film de monstres fifties, avec ses créatures dégénérées enfantées par des essais nucléaires. Ils mettront du temps à devenir cultes, mais feront l’objet de remakes dans les années 2000.
la formule gagnante : camper un univers ado, l’érotiser, puis le ravager à coups d’armes blanches
Craven a déjà 45 ans lorsqu’il réalise son premier énorme carton : Les Griffes de la nuit, chapitre initial de la franchise Freddy, en 1984. Le cinéaste y expérimente la formule qui, de Freddy à Scream, fera deux fois sa gloire : camper d’abord un univers ado un peu cheesy, l’érotiser savamment, puis le ravager à grands coups d’armes blanches.
Partir d’une romance teen à la John Hughes pour la catapulter dans le snuff movie. Dans ces va-et-vient de nymphettes entre la veille et le somme, ces émois BDSM cauchemardés où l’assassin est au fond de soi, Craven déploie un lyrisme sadique enivrant et pas moins de neuf films fileront ce personnage d’assassin au visage brûlé, hantant le sommeil des ados de sa main gantée hérissée de lames.
Craven réalise le premier, participe au scénario des deuxième et troisième, prend ses distances, mais revient aux manettes pour le septième, Freddy sort de la nuit (1994), qui est peut-être le plus beau de la série.
Accusé d’avoir “tué le genre”
Dans ce volet, le personnage principal est l’actrice du premier Freddy, Heather Langenkamp, que le cinéaste Wes Craven, dans son propre rôle, sollicite pour tourner une suite. Mais alors qu’elle hésite, son fils est en proie à de violents cauchemars. Freddy est sorti de la fiction pour venir tourmenter ses interprètes et le film pirouette parmi les mises en abyme.
On reconnaît trois ans avant Scream le goût de la spécularité qui fera la marque de la franchise du tueur à la tête de Munch. Mais Freddy sort de la nuit, envoûtante méditation sur les sortilèges de la fiction et l’imaginaire masochiste du spectateur, ne porte pas encore la marque de cette ironie sur les codes propres à Scream. Un goût de la dérision qui a fini par susciter chez les amateurs de cinéma d’horreur une défiance, une rancune, envers un cinéaste désormais accusé (non sans exagération) d’avoir “tué le genre”.
Le premier Scream (1996) n’en est pas moins un modèle d’orfèvrerie en mise en scène, où quelque chose de la pesanteur moite propre aux plus grandes réussites du cinéaste survit au ricanement galopant, qui envahit plus que de raison les deux épisodes suivants. En 2011, le cinéaste a tenté de se refaire en ajoutant un quatrième épisode (sans éclat) avant de céder la franchise à la télévision (la première saison de la série Scream a été diffusée par MTV cet été).
Un mot enfin pour signaler quelques films intercalés entre ces deux franchises à succès : L’Emprise des ténèbres (1988), délirant film de zombies et parabole sur la dictature, Le Sous-Sol de la peur (1991), fable terrorisante sur la claustration et un de ses meilleurs, ou encore Cursed, en 2005, joli conte de loup-garou avec Christina Ricci et Jesse Eisenberg à ses débuts (trente ans après qu’il a fait débuter Johnny Depp dans le premier Freddy).
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