La semaine dernière, des océans de six mètres, une marche gigantesque, la fuite des réalités, la démocratie menacée et ne jamais rien savoir à l’avance.
Mon cher Inrocks. On se croit toujours malin quand on ne croit en rien. On a l’impression qu’ainsi, on ne se laissera pas duper. Tsipras écrabouillé : je vous l’avais bien dit ! Les Grecs punis de l’audace d’avoir voulu choisir démocratiquement leur destin ?
C’était écrit d’avance. Une histoire d’amour qui finit mal ? Bon Jef, t’es pas tout seul mais tu fais chier : depuis le temps que je t’explique que l’amour c’est du pipeau…V a falloir te mettre un peu de plomb dans le crâne mon pote.
Le Gazelec Ajaccio, champion de France ?
C’est donc avec la joie mauvaise du crétin-dupe-de-rien que j’abordais l’interview de Jean-Luc Mélenchon.Ça commençais dès la couve: “Hollande ne se représentera pas.” Ah, ah ! Mais oui, bien sûr, Jean-Luc, la bonne blague ! T’en a d’autres ? Le Gazelec Ajaccio va être champion de France, c’est ça ? Tsipras va faire plier Merkel ? Nicolas Sarkozy va tout plaquer pour devenir moine boudhiste ?
Tu vas gagner les élections en 2017, les peuples d’Europe bâtiront un monde plus juste, les Chinois, les Américains, les Russes, les Papous trouveront ça chouette, et tous ensemble, heal the world, make it a better place, for you and for me and the entire human race… Rêve Jean Luc, mais Hollande se représentera. Les Hollande, ça se représente toujours. C’est même à ça qu’on les reconnaît !
Le problème, quand tu adoptes ce genre de postures avec Mélenchon, c’est qu’il vaut mieux ne pas trop le lire. Parce qu’assez vite, Hollande mis à part, tu finis par te prendre ton réalisme en pleine poire. Ce n’est pas réaliste de penser qu’avec un peu d’austérité, la croissance repartira et distribuera ses fruits pour le bonheur de tous.
Ce n’est pas réaliste de penser qu’une démocratie n’est viable qu’en se passant du peuple. Ce n’est pas réaliste de penser que la Grèce puisse un jour rembourser ses dettes, ni qu’on sauvera le modèle social français en le flinguant.
Ce n’est pas réaliste de croire que “face à une montée des océans de six mètres”, la solution serait “chacun pour soi et le marché pour tous”. Ces idées se défendent, elles sont audibles, mais elles ne sont pas la réalité.
Certes, Mélenchon non plus n’est pas très réaliste lorsqu’il est “persuadé que nous pouvons arriver à la tête du pays et qu’il ne s’agit pas d’une marche si gigantesque que ça”. Mais après tout, pourquoi pas ?
Ce n’était pas réaliste de penser en 2001que Jospin serait éliminé au premier tour de la présidentielle l’année suivante, pas plus que de penser en 2007 que Barak Obama deviendrait président des Etats-Unis. Qui aurait misé un kopeck sur le destin présidentiel de François Hollande en 2010 ? Il n’y a rien de moins réaliste que de penser que le futur est écrit d’avance.
La politique est moins une affaire de logique que de circonstances. Le réalisateur Patrick Wang dit de son travail : “Ne pas savoir à l’avance ce que sera un film, c’est à mon sens la seule raison de le faire.” Idem pour la politique, idem pour la vie. Comme dit Jean-Luc Mélenchon : “Il est temps de se réveiller.”