A 27 ans, le Parisien Theo Ford est en passe de devenir une star mondiale du X gay. Il nous parle de tournages sans capote, de l’escorting et de Zaz.
À quelques rares exceptions près, comme François Sagat, la France n’est pas un vivier de pornstars gay. Alors quand un jeune Parisien se fraie à grands coups de reins – et en à peine deux ans – un chemin au sommet du X mondial, forcément ça se remarque. A 27 ans, ce Franco-Irlandais lippu et BM est le dernier chouchou d’une industrie qui casse vite ses jouets. Interview éclectique où il est question de son mariage, de ses tarifs et de Game of Thrones.
Depuis quand as-tu envie de faire du X ?
Theo Ford – Depuis l’adolescence, je crois. Mais je ne me suis pas senti prêt mentalement et physiquement avant mes 25 ans. Quand les mecs de French Twinks m’ont contacté sur un site de rencontres pour tourner pour eux, j’avais la maturité pour le faire. J’acceptais ma sexualité et que les autres puissent la voir.
Combien touches-tu pour une scène aux Etats-Unis ?
Ça dépend des studios. Quand on est un peu demandé, on peut facilement se faire entre 1200 et 1600 dollars par scène. Un peu plus si tu as un contrat d’exclusivité. Chez Falcon, le tarif est fixe pour une ou deux scènes par mois. Chez men.com par contre, tu peux négocier ton cachet comme le nombre de scènes.
Les dirigeants de Falcon sont gay alors que men.com est un studio de porno gay tenu par des hétéros. ça change l’approche du sexe ?
Pas nécessairement. Les mecs de la boîte de prod à Madrid qui produit les contenus pour men.com sont hétéros mais ont une réelle envie de faire des contenus intéressants. Pas juste de filmer deux mecs à poil et qui s’enculent dans quinze positions différentes. Sur leurs tournages, j’ai toujours un dialogue, un script, voire des costumes comme dans Gay of Thrones, le remake porno de Game of Thrones dans lequel je joue la Sorcière rouge.
Tu as tourné quelques scènes sans capote, tu n’as jamais flippé ?
En Californie, les acteurs subissent des dépistages systématiques, ce qui n’est pas le cas en Europe. Quand le producteur Michael Lucas m’a proposé de tourner sans capote, tous les mecs devaient être testés, ça paraissait réglo. Mais lors des tournages, j’ai compris que c’était n’importe quoi : un des acteurs n’avait pas son test et ils l’ont quand même fait tourner. La deuxième fois, ils ne m’ont même pas demandé mes résultats. C’est là que j’ai décidé de ne plus tourner sans préservatif. Pour être honnête, je n’avais pas réalisé à quel point, quand on fait du porno, on est une personne publique. Beaucoup de jeunes gays suivent ma carrière. J’ai envie de donner un minimum l’exemple. Et si tout le monde t’a vu te faire remplir par des dizaines de mecs, ton image sera encore plus difficile à changer quand tu voudras sortir du X. Je déteste mes scènes pour Lucas mais je ne les regrette pas pour autant. J’en ai tiré des leçons. Maintenant, je connais mes limites.
Justement, quelles sont-elles ?
L’uro, le fist… Lors d’une séance photo pour ma dernière scène pour FuckerMate, le photographe m’a demandé d’écarter les fesses. J’ai beau faire du porno, j’ai pas forcément envie d’exhiber mon trou en gros plan pour une photo. Surtout que dans cette scène, j’étais actif ! Il y a un an, je n’aurais pas osé dire non. Mais quand je me couche le soir, je ne veux pas me sentir abusé. Il faut se protéger un minimum.
En 2013, il y a eu une vague de suicides chez les acteurs de porno gay. Tu n’as jamais eu peur pour ton équilibre ?
Je ne pense pas qu’il y ait plus de suicide chez les acteurs de porno gay que chez les homosexuels en général. Mais on subit beaucoup de pression. Faire du porno, c’est créer un personnage. Parfois, ça peut être difficile. Moi, j’ai décidé d’injecter au maximum ma personnalité dans Theo Ford. Pour qu’il vive de façon autonome. Mais les gens s’approprient nos vies. Le porno n’est plus une bulle, comme dans les années 90. Avec Twitter, les blogs, on est surexposé et critiqué en permanence. Ça peut vraiment te briser. Je connais des tas de jeunes acteurs qui le vivent très mal.
En avril, tu as épousé un Américain avant la décision de la Cour suprême reconnaissant la légalité du mariage pour tous. C’était un mariage militant ?
Non, c’était un mariage égoïste ! (rires) J’ai toujours voulu me marier et avoir des gosses. Des gens nous ont dit : “ Vous vous êtes mariés pour la carte verte !” C’est vrai que Shawn et moi nous sommes mariés très vite, mais parce qu’on voulait rester ensemble tout le temps.
Tu as fait la même école de mode que François Sagat, le Studio Berçot. C’est un modèle pour toi ?
Je l’admire beaucoup. Il a prouvé qu’on peut être une star au-delà du X. Il fait du cinéma, des couves de magazines, de la mode… Ce n’est pas surprenant : la mode a toujours été obsédée par le sexe.
As-tu toi aussi des fans féminines ? Des “gay porn mummies”, comme on dit ?
Oui ! Des tas de filles me suivent sur Twitter ! Des femmes de 35-40 ans. C’est assez nouveau mais c’est une façon pour elles d’explorer leurs fantasmes. Une grande partie des fans du label CockyBoys sont des femmes. Quand j’ai participé à la HustlaBall à Vegas, il y avait énormément de groupies hystériques, c’était dingue!
Comment t’es-tu retrouvé à jouer dans un clip de Zaz ?
Sa styliste n’était pas disponible, elle m’a demandé de la remplacer. Le matin du tournage on m’a dit : “Tu seras aussi figurant !” C’était la surprise.
Tu es aussi escort. Est-il vrai qu’être acteur porno permet de faire monter ses tarifs ?
Bien sûr. La plupart de mes clients veulent rencontrer “Theo Ford”. Et pas nécessairement pour du sexe. Parfois juste pour dîner ou parler. Beaucoup de gens sont seuls, c’est assez déprimant. Je suis content de leur apporter un peu de chaleur humaine. Aux Etats-Unis, il y a moins d’hypocrisie autour de l’escorting. Il y a une visibilité possible. En France, si on en parle, on s’entend dire tout de suite : “Oh mon Dieu, t’es une pute !”