Les chansons glacées du duo touchent l’auditeur en plein cœur.
Dans l’histoire de la musique, il existe un courant souterrain qui, des miniatures sèches d’Erik Satie à la voix blanche de Robert Wyatt, des murmures impassibles d’Astrud Gilberto au chant marmoréen de Hope Sandoval (Mazzy Star), pourrait être qualifié d’“inexpressif”. Il rassemble des esthétiques volontairement frugales, désencombrées de toute rhétorique psychologisante comme de toute préciosité de style : leur but, comme l’écrivait Jankélévitch, est de “laisser parler les choses elles-mêmes dans leur crudité première, sans exposant ni intermédiaires d’aucune sorte”. Le duo américain Beach House prolonge de fort belle manière cette tradition. Dans Devotion, l’altière chanteuse Victoria Legrand (nièce de Michel) baigne ses vocalises de sirène des mers froides et ses orgues glacés dans les notes liquides et réverbérées de la guitare d’Alex Scally, pour un résultat qui évoque une rencontre rêvée entre Nico et les Cocteau Twins. Dépouillée de tout pathos, refusant l’alternance mécanique de la joie et de la tristesse, la pop de Beach House, derrière ses airs distants et impassibles, réussit pourtant à toucher l’auditeur en plein cœur : en jouant ainsi la carte du détachement, elle accède à la vérité toute nue et bouleversante de la musique.
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