Drôles de Brahms. Deux chefs prestigieux interprètent l’oeuvre de Brahms : deux manières qui s’affrontent, presque deux philosophies. Le jeu des comparaisons réserve parfois des surprises ; ainsi paraissent simultanément deux intégrales des Symphonies de Johannes Brahms (il manque la 4ème chez Günter Wand) dirigées par des chefs de style et d’esthétique éloignés… A priori, […]
Drôles de Brahms. Deux chefs prestigieux interprètent l’oeuvre de Brahms : deux manières qui s’affrontent, presque deux philosophies.
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Le jeu des comparaisons réserve parfois des surprises ; ainsi paraissent simultanément deux intégrales des Symphonies de Johannes Brahms (il manque la 4ème chez Günter Wand) dirigées par des chefs de style et d’esthétique éloignés… A priori, la curiosité nous porte vers celle de Nikolaus Harnoncourt : le chef autrichien s’est taillé une réputation (justifiée !) dès les années 50, en renouvelant totalement l’interprétation des oeuvres de la Renaissance et du baroque, grâce à son ensemble jouant sur instruments anciens, le Concentus Musicus de Vienne. Trente ans plus tard, patatras, le chef se détourne de son répertoire de prédilection, laisse tomber son ensemble et dirige les romantiques (Schubert, Mendelssohn, Weber, Beethoven), l’opéra en Technicolor (Verdi) et l’opérette (Johann Strauss fils) avec des orchestres « classiques », sur instruments modernes arguant du fait que l’interprétation est essentiellement une affaire de style.
Le passé de Günther Wand n’est pas moins prestigieux, bien que sa carrière soit beaucoup plus discrète et l’homme peu enclin à la publicité. De Cologne à toutes les capitales européennes, le chef (aujourd’hui âgé de 85 ans) a promu un répertoire large allant des romantiques aux contemporains. Ses intégrales des Symphonies de Schubert et Bruckner ont été des événements à leur parution. Préférant le direct au studio, Wand est ici en concert, en 95 et 96 à Hambourg, pour les trois premières Symphonies de Brahms qu’il avait déjà enregistrées sur disque. Le geste est généreux, la pulsation ferme. Il anime ces trois partitions d’un souffle ample qui les soulève dès le premier thème énoncé (mouvements i de la 1ère et iv de la 2ème), et aborde avec tendresse et grâce les passages inspirés par le sentiment de la nature (mouvements i et iii de la 3ème).Wand appartient à une génération de chefs en voie de disparition, qui dirige en public et ne fixe une interprétation sur disque qu’à la suite de longues séances de répétitions et une connaissance approfondie de l’oeuvre un souci aujourd’hui guère en adéquation avec les lois du marché.
A 68 ans, Nikolaus Harnoncourt a, lui, beaucoup enregistré (plus de 250 disques !). Ses interprétations sont le plus souvent plébiscitées, mais il arrive que certaines témoignent d’une hâte préjudiciable. Le chef dirige ici un orchestre d’une qualité irréprochable et d’une réputation supérieure à celle de l’Orchestre de la radio de Hambourg, dirigé par Wand. Claire et lumineuse, la direction d’Harnoncourt ne manque pas de panache et d’élégance (mouvements ii de la 1ère et iii de la 3ème), voire de pugnacité (mouvement i de la 4e) et de violence (mouvement iv de la 1ère) ; il y manque cependant un détail qui a son importance : cet élan, léger et retenu, qui fait tout le prix du « style Wand ».
Johannes Brahms Symphonies n°os 1, 2, 3 Orchestre symphonique de la NDR, direction Günter Wand (RCA/BMG) ; Symphonies n°os 1, 2, 3, 4 Orchestre philharmonique de Berlin, direction Nikolaus Harnoncourt (Teldec/Warner)
Franck Mallet
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