On réédite le premier Morrissey, engraissé de raretés. Un joli vestige de cette époque où l’indie-rock ne savait pas danser. EMI célèbre son centenaire. Dans le petit livret général qui retrace l’histoire de la compagnie, Morrissey est mentionné dans le chapitre consacré à Duran Duran (qui, contrairement à lui, bénéficie d’une photo), parmi les “autres […]
On réédite le premier Morrissey, engraissé de raretés. Un joli vestige de cette époque où l’indie-rock ne savait pas danser.
EMI célèbre son centenaire. Dans le petit livret général qui retrace l’histoire de la compagnie, Morrissey est mentionné dans le chapitre consacré à Duran Duran (qui, contrairement à lui, bénéficie d’une photo), parmi les « autres artistes à succès ayant enregistré pour EMI durant les années 80 » ) entre Jaki Graham (?), Eddy Grant et Marillion. Le roi déchu de la musique dite « alternative » n’a pas laissé un souvenir impérissable chez les comptables, dirait-on. Et auprès de ceux qui l’ont aimé jadis, que vaut sa cote ? Pas bien lourd, j’imagine. Beaucoup l’ont suivi comme on suit la mode et changent à présent de trottoir à chaque fois qu’ils le croisent. C’est certain : Morrissey et le rock indie pur et dur ont pris, après l’arrivée de la vague rave/dance/techno, un terrible coup de vieux. Le rock indie a survécu en s’adaptant : il n’avait pas le choix. Morrissey n’a pas bougé : il n’avait sans doute pas le choix non plus. Son image, aujourd’hui, est sûrement désuète, déphasée, tout ce qu’on voudra, mais sa musique, pas du tout. Viva hate, son premier album solo paru à peine un an après le dernier des Smiths, avait laissé en 1988 une impression mitigée. Une intox médiatique nous avait persuadés que sans Johnny Marr Morrissey ne serait rien : tout juste un troubadour sans lyre, que son goût pour les starlettes kitsch de la variété anglaise rendrait vite ridicule. Quelle ânerie ! Après quelques mois de préparation, flanqué de son talentueux ingénieur du son, Stephen Street, compositeur et arrangeur à ses heures, il débarquait avec un disque d’où l’inspiration jaillit à chaque détour. Dans Viva hate, Morrissey apparaît comme un des meilleurs diseurs de son temps, dans la lignée d’un Ray Davies : empli d’un doute mélancolique sur lui-même, mais le sac toujours plein de ces trouvailles qui arrachent un sourire doux-amer (« This is the coastal town that they forgot to close down » »Voici la ville côtière qu’on a oublié de fermer », dans Everyday is like Sunday, ça ne s’oublie pas). Et Late night, Maudlin Street, où remontent tous ses souvenirs glauques d’amours ratées, quel morceau ! Détailler les titres, partir dans des métaphores subtiles pour décrire la musique, je m’en passerai. Sachez qu’il y a huit raretés, dont plusieurs faces B de maxi. Si vous n’avez pas ce disque, achetez-le à l’occasion, vous sourirez et serez emportés plusieurs fois. Pour les autres : réécoutez-le, vous aurez une bonne surprise.
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