On l’avait laissé prêcheur funky revisitant, à l’aune du postmodernisme fin de siècle, le grand mouvement identitaire et libertaire de la communauté afro-américaine du tournant des années 70 (Nu blaxpoitation) en une musique joyeusement hybride à la fois engagée et réflexive tant d’un point de vue esthétique que politique, ouvrant d’inédites perspectives à la musique […]
On l’avait laissé prêcheur funky revisitant, à l’aune du postmodernisme fin de siècle, le grand mouvement identitaire et libertaire de la communauté afro-américaine du tournant des années 70 (Nu blaxpoitation) en une musique joyeusement hybride à la fois engagée et réflexive tant d’un point de vue esthétique que politique, ouvrant d’inédites perspectives à la musique noire populaire en une relecture inspirée et originale d’un moment clé de son histoire récente. On le retrouve, un an plus tard, en une nouvelle volte-face, esthète raffiné explorant avec grâce et légèreté les moindres potentialités expressives de la formule archétypale du quartette « de jazz » : Don Byron n’en finit décidément pas de nous égarer dans son étourdissant jeu de masques jamais là où on l’attend ; toujours en marge, même dans ses projets les plus orthodoxes ; et pourtant d’une extraordinaire cohérence dans sa fabuleuse traversée des styles et des apparences. Car qu’il s’immisce en hérétique au coeur de la tradition klezmer, revivifie les vieilles noces fanées entre jazz et musiques afro-cubaines, s’engage dans d’improbables reconstitutions musicologiques de la musique noire des années 20 (John Kirby, Ellington…), ou participe activement aux univers très disparates de Bill Frisell, Steve Coleman ou encore Uri Caine, Don Byron a le génie de garder, dans cet apparent morcellement, une authentique intégrité artistique (et pour tout dire, conceptuelle) une unité de point de vue en somme : celle d’un musicien noir américain d’aujourd’hui, d’autant plus attaché à sa communauté qu’il ne s’y enferme pas, tant formellement qu’idéologiquement. Voilà pourquoi Romance with the unseen, quoique apparemment moins aventureux en regard des derniers opus du clarinettiste, toujours aux limites extrêmes de la jazzosphère, dans son « recentrage » même, participe pleinement du projet global du musicien. D’autant plus que sous le vernis policé d’un certain classicisme, se dissimule en fait une musique virtuose Frisell, elliptique et acéré ; Dejohnette, époustouflant de précision dans le détail et de volume de jeu ; Byron, définitivement maître de son vocabulaire totalement libérée de toute contrainte, d’une richesse harmonique confondante, d’une folle audace dans ses propositions. Une étape magistrale dans ce work-in-progress parmi les plus stimulants du moment.
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