Entre transe poétique et énergie rythmique, ARTHUR H s’éclate comme jamais.
On avait laissé Arthur H au bord du lit chaud et profond d’Adieu tristesse, ce long fleuve doré jonché de pépites mélodiques. En le voyant ainsi, épanoui et gracieux dans son nouveau rôle d’orpailleur, empochant avec bonheur les dividendes d’une inspiration enfin canalisée, on s’était dit que le chanteur avait trouvé son eldorado sonore et poétique, et qu’il allait sans doute y planter sa tente. C’était oublier que, chez lui, le désir est une force de mouvement : Arthur H est de ces hommes qui s’accomplissent davantage en traçant la route qu’en se posant sous un toit.
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Sans états d’âme, il a donc dit adieu à l’univers enchanteur d’Adieu tristesse. “J’ai une frustration naturelle qui s’inscrit dans un processus de recherche sans fin, remarque- t-il. Atteindre exactement ce qu’on veut, ça n’a pas de sens. L’intéressant, c’est de s’en rapprocher constamment en abandonnant derrière soi ce qu’on a fait. Ça fout toujours la trouille de quitter son monde ancien. Tu es là, dans ton petit bolide rouge vif, sur un chemin que tu ne connais pas, et tu te dis que tu vas te paumer ou te fracasser contre un arbre. Tu regardes d’un oeil envieux ta vieille autoroute, tes embouteillages chéris. Mais tu sais que tu n’avais pas le choix. Un monde sans prise de risque est un monde bloqué et ennuyeux.”
Dans L’Homme du monde, la bretelle de sortie empruntée par le Français ressemble à une rampe de lancement vers la stratosphère. Oubliées, les vapeurs oniriques, les tentures orchestrales et les textures soyeuses qui enrobaient son Adieu tristesse : place donc aux rythmes et aux basses qui déchirent, aux tourbillons ascensionnels de la transe, aux sons rentre-dedans et aux mélodies circulaires qui visent l’aller direct pour le septième ciel.
Plus que jamais, Arthur H plane sur son nuage, qu’il a cette fois-ci étendu aux dimensions d’une gigantesque piste de danse. Un choix très réfléchi et opéré en compagnie de sa garde rapprochée – le producteur montréalais Jean Massicotte et le guitariste et pétrisseur de samples Nicolas Repac. “On a banni de notre vocabulaire des termes comme “intimité”, “atmosphère” et “onirisme”. Pour ce disque, les mots-clés étaient “énergie”, “excitation” et “gros son”. On avait envie d’une musique brute et crue, un mélange de Timbaland et de Tom Waits.”
Avec son groove monstrueux et ses harmonies réduites à l’essentiel, la musique d’Arthur H paraîtra peut-être moins ample aux yeux de ceux qui avaient apprécié les mélodies XXL d’Adieu tristesse – comme si elle avait rétréci après avoir été plongée dans le bain à haute température du funk, du disco, du rock ou du r’n’b. Mais le Français, qui a donc troqué son vieux piano contre une guitare flambant neuve, assume totalement la simplification et le resserrement de son esthétique. D’autant que, si elle est légère et pétillante dans la forme, elle n’en reste pas moins consistante dans le fond.
Avec ses cadences souvent trépidantes, L’Homme du monde ne retranscrit pas seulement les pulsations d’un coeur avide de plaisir et de débauche physique : il porte aussi les visions d’un esprit qui entend “mettre un peu de fluidité dans un monde qui prône sans cesse le blocage des énergies”. “Il y a beaucoup de noeuds dans la société, analyse Arthur H. La musique peut à mon sens jouer les acupunctrices. Après, je ne crois pas du tout que l’artiste a pour fonction d’être un éveilleur social ou politique. Historiquement, ça n’a jamais fonctionné. Bertolt Brecht et Kurt Weill ont écrit des opéras qui dénonçaient le chaos de leur temps : ce sont des oeuvres magnifiques, mais qui n’ont pas eu d’influence sur l’époque elle-même. La seule chose, c’est qu’elles ont apporté un sentiment de dignité et de dégagement – et donc de légèreté. A mon échelle, c’est le but que j’ai poursuivi avec L’Homme du monde : ne pas rentrer dans cette énergie de merde qui ne mène nulle part.”
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