De bruit et d’erreurs. Loin des sommets de Gone again, le nouveau Patti Smith déçoit. Absente ou en roue libre, elle manque ici cruellement. Quatre saisons durant on s’est immergés dans Gone again, formidable précédent album de Patti Smith, sans vraiment en épuiser les vastes secrets. Des mots intrépides et rares, frêles esquifs aux folies […]
De bruit et d’erreurs. Loin des sommets de Gone again, le nouveau Patti Smith déçoit. Absente ou en roue libre, elle manque ici cruellement.
Quatre saisons durant on s’est immergés dans Gone again, formidable précédent album de Patti Smith, sans vraiment en épuiser les vastes secrets. Des mots intrépides et rares, frêles esquifs aux folies gonflées par un chant pétri de spiritualité, y défiaient le Styx ; l’auditeur ne pouvait qu’effleurer des mystères autrefois affrontés par Orphée. Dans des chansons pénétrantes, cajolées par une voix unique, Patti Smith élevait ses drames intimes aux confins de l’universel, tressait à un amour défunt une couronne d’immortalité. Inspirée, elle rehaussait ses mélodies d’harmonies duveteuses, comme arrachées aux ailes des anges, et signait son plus beau disque depuis l’historique Horses. La suite arrive un peu vite on sait Patti Smith cyclothymique, sujette aux turbulences, voire aux trous d’air.
Sur Peace and noise, les tics verbaux l’emportent sur l’éthique du mot juste. Patti s’arme d’un grand filet et chasse les passions comme d’autres les papillons. Avalanche de références ronflantes : sur Whirl away, elle se compare à Gary Cooper dans Le Train sifflera trois fois. Death singing allume un incendie d’Atlanta tout droit sorti d’Autant en emporte le vent. Et si Blue poles, avec son vain voyage vers l’Ouest en quête de travail, était un film, ce serait Les Raisins de la colère. De quoi faire une honnête Dernière séance, à défaut d’un disque intensément personnel. Plus inquiétant, Memento mori renoue avec les dérives complaisantes live en studio du navrant Radio Ethiopia, ressort le Johnny de Land (qui est en passe de devenir à Patti ce qu’Harry est à Hubert Selby, un personnage mascotte voué aux pires déboires) et l’embarque, dix minutes durant, dans un abominable drame de la guerre cousin du Johnny got his gun de Dalton Trumbo, au son d’un Diddley beat trop longtemps immergé dans les eaux de La Hague. On sait Patti férue d’écrivains français : sur les traces de Marguerite Duras, elle s’est entichée d’un jeune compagnon, Oliver Ray, qui cosigne la plupart des chansons et s’adjuge la musique, forcément « beat », de Spell où, sur un texte d’Allen Ginsberg, Patti ouvre tout grand le robinet à sanctifier et canonise dans un allègre désordre « le zob, le trou du cul, la machine à écrire et le saxophone ». Dans le registre du sacré, toujours, Patti et ses amis font acte d’oecuménisme le temps d’une photo en compagnie du dalaï-lama ; 1959 soutient la lutte de libération du peuple tibétain et conclut que, dans la vie, il y a du bon et du mauvais puisqu’en 59, pendant que les Chinois écrasaient la rébellion des cités-monastères, les Américains avalaient les kilomètres au volant d’Impalas ailées.
Sur des textes inutilement emphatiques (et des musiques aussi ternes que ramenardes Patti fut autrefois l’amie de coeur d’Allen Lanier, guitariste des prétentieux du Blue Oyster Cult), la voix ressort sa caisse à savon pour Speakers’ corner, rouscaille et harangue vertement le bon peuple, tente de cacher par des excès de combativité une absence de vraie passion. Mis à part les très beaux Blue line (où se confirme la pertinence de l’option country choisie pour Gone again) et Last call (impeccable duo avec Michael Stipe), Peace and noise sonne paradoxalement unplugged. Car si les guitares ruissellent d’électricité, c’est Patti elle-même qui semble débranchée.
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