La journée Tel-Aviv sur Seine, prévue le jeudi 13 août dans le cadre de Paris Plages, est au centre d’une vive polémique et soulève un débat houleux : doit-on obligatoirement relier un événement culturel au contexte géopolitique dans lequel il se déroule ?
Les rives de la Seine accueilleront jeudi 13 août Foodtrucks, DJ set et animations ludiques et gratuites dans le cadre de “Tel-Aviv sur Seine”. Pour certains, il s’agit d’une opération de propagande, pour d’autres d’une initiative culturelle. Depuis le samedi 8 août, des réactions, notamment de la part de l’extrême gauche et des associations pro-palestiniennes fusent de toutes parts, notamment sur les réseaux sociaux.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
“Une opération de communication”
Le groupe pro-palestinien EuroPalestine dénonce dans une vidéo un « événement obscène » considérant que « la mairie se rend responsable de l’occupation israélienne » à travers l’organisation d’« une propagande honteuse ». Pour EuroPalestine, Tel-Aviv représente « le symbole du pire racisme et du pire apartheid ». Un discours relayé par l’association France Palestine Solidarité qui dénonce une « opération de communication au goût amer », « une bien étrange façon de faire écho aux massacres de l’été dernier » rapporte Le Monde.
Une partie de la classe politique prend également part au débat, accusant la mairie de Paris de cautionner et de relayer la politique de l’Etat hébreu. Danielle Simonnet, membre du Parti de Gauche élue au Conseil de Paris, dénonce dans un communiqué « le cynisme de l’organisation d’une telle journée dans le cadre de Paris Plages (qui) atteint les sommets de l’indécence ». Elle s’est exprimée lundi 10 août au micro de France Inter, soulignant que « Tel-Aviv, c’est pas Copacabana. Tel-Aviv, c’est la capitale d’Israël ». Pour elle, « cette opération, pour le gouvernement israélien, est une belle opération de com que la Ville de Paris lui sert sur un plateau ».
Parole soutenue par les élus communistes et Front de Gauche de la ville de Paris, qui considèrent sur Twitter qu’une telle initiative ne peut « être dissociée du conflit israélo-palestinien ». Il s’agit pour ce groupe d’élus d’une « opération de communication » pour un Etat dont « le gouvernement d’extrême droite méprise quotidiennement le droit international et mène une politique brutale de colonisation des territoires palestiniens ».
Les élus communistes et Front de gauche (@FDG) de Paris demandent officiellement l’annulation de #TelAvivSurSeine pic.twitter.com/I9GqYGWHie
— David Perrotin (@davidperrotin) 10 Août 2015
Selon un communiqué du NPA,
“Une telle initiative à la gloire de la capitale d’un Etat qui pratique une ségrégation de tous les instants est insupportable”(…) “De façon plus générale, en Israël, les franges les plus ouvertement racistes et réactionnaires ont le vent en poupe, alors que la population de Gaza vit un véritable enfer et la Cisjordanie est chaque jour davantage colonisée.”
« La haine des juifs et d’Israël »
Du côté des partisans de l’initiative, on trouve aussi des arguments radicaux. Contacté par téléphone par Les Inrocks, Sylvain Zenouda, vice président et co-fondateur du BVCA (Bureau de vigilance contre l’antisémitisme) soutient “une démarche positive qui sert à amener la joie et la paix”. Il estime que les arguments des détracteurs de l’événement cachent une « haine des juifs et d’Israël » : « Je traite (les détracteurs du projet) avec mépris. Ils n’ont pas une once d’humanité et se moquent en réalité du sort des Palestiniens ».
Sylvain Zenouda estime que la critique d’Israël autour de Tel-Aviv sur Seine est une attaque ciblée et hypocrite : « On ne les a pas entendus lorsque des femmes esclaves sexuelles ont été vendues aux enchères par Daech. On ne voit pas l’extrême gauche dénoncer les 250 000 morts de la Syrie ».
« Il faut appeler à la mesure et à la raison »
Qu’elle soit saluée ou qu’elle fasse l’objet de critiques, la journée Tel-Aviv sur Seine aura bien lieu. Pour Bruno Julliard, premier adjoint à la mairie de Paris contacté par Les Inrocks, « il faut appeler à la mesure et à la raison ». Il souligne qu’il faut faire la distinction entre la « radicalité irrationnelle de l’antisémitisme dont le but recherché est d’importer le conflit en France et de s’en prendre au peuple juif », et » les réactions de militants politiques de bonne foi qui critiquent une démarche stratégique et politique et non une population ».
Pas d’amalgame entre Tel Aviv, ville symbole de la tolérance et de la paix, et la politique brutale du gvt israélien! #TelAvivSurSeine — Bruno Julliard (@BrunoJulliard) 9 Août 2015
Il insiste sur la nécessité d’établir « la distinction entre un Etat, sa politique, son gouvernement d’une part, et de l’autre côté des villes progressistes et leurs maires en opposition avec cette politique. C’est avant tout une ville que nous invitons dans le cadre d’une journée ludique et festive de Paris Plage. Il ne s’agit pas d’une conférence ou d’un colloque qui aurait pour but un débat sur le conflit ».
Concernant les critiques à l’encontre des attaques perpétrées par des extrémistes juifs, Bruno Julliard souligne que « les extrémistes n’aiment pas Tel-Aviv qu’ils trouvent trop progressiste et trop orientale ».
La maire de la ville Anne Hidalgo a rejoint cette position, déclarant dimanche 9 août au Parisien que « La ville n’envisage pas d’annuler cet événement uniquement festif et culturel », se détachant selon elle de tout « débat politique ». Elle souligne que l’évènement met à l’honneur une ville « progressiste » et « moderne ».
{"type":"Banniere-Basse"}