Suspecté d’avoir détourné 1 million de dollars via sa plateforme d’échange de bitcoins, Mt. Gox, Mark Karpelès a été arrêté par la police japonaise ce samedi 1er août. Originaire de Dijon, ce trentenaire qui est parvenu en dix ans à se construire un empire grâce à la monnaie virtuelle, aurait aussi un passé d’escroc.
Casquette plaquée sur la tête et t-shirt estampillé « effortless French » par Maison Kitsuné, le 1er août, Mark Kapelès descend les escaliers de son domicile à Tokyo escorté par la police japonaise et mitraillé par les photographes.
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Le Français est l’ancien dirigeant de la plateforme d’échange de monnaie virtuelle Bitcoins baptisée « Mt. Gox » et située à Tokyo. Elle a fait faillite en février 2014. Les autorités japonaises le suspectent d’avoir utilisé la plateforme afin de s’octroyer de façon illicite un pactole d’un million de dollars.
Comment ce trentenaire est-il passé de geek de chambre à « baron du bitcoin » déchu ? Retour sur les dix années qui l’ont mené des rues de Dijon au business center tokyoïte de Shibuya.
« Un génie de l’informatique autodidacte »
Mark Karpelès fait partie de ces jeunes nerds tombés dans l’informatique quand ils étaient petits. Introverti, il s’isole dès le collège, ne partageant pas les mêmes centres d’intérêts que ses petits camarades, comme il l’explique lui-même dans un numéro de l’émission Suck my geek! sur Canal+.
« Au début j’essayais vaguement de discuter, mais quand j’étais en 6è je discutais de physique quantique et je n’ai pas trouvé beaucoup de monde avec qui en parler, donc c’était un brin compliqué », lâche-t-il avec une légère prétention dans le sourire.
Surdoué le jeune Mark ? Selon sa mère ça ne fait pas de doute. Il aurait d’ailleurs un QI au-dessus de la moyenne, « mais il ne faisait pas d’effort à l’école », confie-t-elle au Journal de Saône-et-Loire.
Bac en poche, le jeune geek ne s’aventure pas sur les bancs de l’université, mais directement sur le marché du travail. En 2003, il parvient à se faire embaucher comme technicien informatique chez Linux Cyberjoueur, qu’il quitte deux ans plus tard.
S’en suit une courte trêve de quelques mois en Israël. A son retour en France, il intègre le pionnier du e-commerce Nexway (anciennement Téléchargement.fr), comme développeur. Son ex-patron se montre, aujourd’hui encore, très satisfait de lui. « C’était un génie de l’informatique, autodidacte », raconte à 20 Minutes Gilles Ridel, PDG de Nexway. « Il a participé au développement de notre plateforme de e-commerce. Son code était propre. Il a toujours eu une éthique exemplaire. Il était introverti mais gentil. »
Condamné en 2010 pour piratage
Exemplaire ? Peut-être pas avec tout le monde. En 2010, le tribunal de grande instance de Paris le condamne « pour piratage à un an de prison et 45 000 euros de dommages-intérêts », indique Le Monde. Le plaignant n’est autre que son ancien employeur, Linux Cyberjoueur.
La veille de la démission de Mark Karpelès (le 6 juillet 2005), le gérant de la plateforme constate un transfère de données clients vers d’autres serveurs situés en France et aux Etats-Unis, ainsi que la modification d’un nom de domaine de l’entreprise, redirigeant les internautes vers un site appartenant… à Mark Karpelès. Ce n’est que lorsque celui-ci revient vers son ancien employeur pour lui proposer « de racheter son nom de domaine », que Linux Cyberjoueur « s’en remet à la justice », retrace Le Monde.
Interrogé par Ars Technica sur sa situation judiciaire, Mark Karpelès assure au site n’être « même pas au courant » de ce jugement. Il faut dire que depuis 2009, le petit génie de la programmation vit avec son chat à Tokyo, ville idéale pour un geek de surcroît passionné de Manga.
En 2011, il rachète l’ancienne plateforme d’échange de cartes Magic, Mt. Gox (Magic The Gathering Online eXchange), convertie en place de trading pour bitcoins un an auparavant. C’est-là que tout commence.
Mt. Gox dominait 80 % du marché des Bitcoins
L’affaire du Dijonnais connaît un démarrage difficile. Quelques mois après son acquisition, la plateforme subit son premier bug. Un hacker s’est infiltré et a dérobé pour 9 millions de dollars de bitcoins, ainsi que les informations personnels de nombreux utilisateurs. « Dans l’urgence, Mark Karpelès décide de suspendre les activités de la plateforme », raconte Le Monde.
Mt. Gox se fait également saisir 5,5 millions de dollars sur ses comptes par les Etats-Unis. Le Trésor américain lui reprochant de ne pas s’être déclaré organisme de transfert de fonds.
Après ces quelques épisodes contrariants, la petite plateforme reprend son souffle et décolle haut, très haut. Alors que les vrais geeks gèrent eux-mêmes leurs bitcoins, la plupart des spéculateurs font appel à Mt. Gox pour stocker et échanger leur monnaie. En deux ans, la société atteint les sommets en drainant pas moins de 80 % du marché mondial. Mark Karpelès devient alors le « baron du bitcoin ».
« Des failles dans le système »
La succès story va vite s’effondrer. Février 2014, la plateforme aurait subi une nouvelle attaque. Cette fois, les efforts de son PDG prodigue n’y font rien. Plus de 750 000 bitcoins appartenant aux clients, et 100 000 bitcoins de Mt. Gox partent en fumée. Au total c’est près d’un demi-milliard de dollars qui s’évaporent du jour au lendemain. La société fait faillite.
Seule communication de Mark Karpelès à ce sujet, le jeune dirigeant s’est excusé « des failles du systèmes » et nie en bloc avoir détourné les actifs de ses clients. Par miracle, Mt. Gox retrouve 200 000 bitcoins quelques temps après, mais le Dijonnais continue d’assurer qu’il ignore où se trouve le reste des fonds virtuels.
Ayant regardé un reportage télé annonçant son arrestation, le Français avait envoyé un message au Wall Street Journal le 31 juillet, déclarant que ces allégations le concernant étaient « fausses » et qu’évidemment il les niait.
Alors programmeur incompétent ou grand escroc ? Trop tôt pour le dire. Les conclusions de la justice japonaise devront déterminer le véritable profil de Mark Karpelès.
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