Il y a d’un côté les tornades et les ouragans, Björk ou The Strokes, mais la rentrée est aussi l’occasion de prendre le pouls des artistes moins turbulents qui égrènent leurs disques à l’écart des variations climatiques et des projecteurs. Songwriters érudits, vieilles connaissances ou jeunes novices, ils sont encore nombreux cette année à se présenter dans le plus simple appareil : juste avec des chansons, plus ou moins de bagout et des arguments singuliers à défendre.
Rien de tel, pour mieux apprécier l’art subtil et le doigté délicat de ceux qui savent écrire des chansons, que de s’envoyer en préliminaire une bonne grosse dose de rock buté, fort en gueule mais pauvre en matière grise. Pour nettoyer les conduits après la trêve estivale, on s’est ainsi tapé le nouveau Therapy et on n’aurait pas dû. Sachez donc, strictement pour information, que les forgerons irlandais ont un nouveau pavé sur la conscience, l’épouvantable Shameless à éviter sous tous les prétextes, à moins d’avoir un penchant masochiste pour les embarras gastriques. Tant qu’on y est, mettons dans la même charrette le nouveau Bush, le groupe grunge républicain préféré de George W., qui commet cet automne un Golden State boudiné à souhait et d’une mocheté repoussante.
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Après une telle décharge d’oxyde de carbone, une purification express s’impose. Il vous faudra pourtant patienter jusqu’au 8 octobre pour inhaler le plus pur nectar de jouvence possible avec le second album de The Czars, The Ugly People vs the Beautiful People. Ce groupe de Denver, l’un des plus élégants et fiévreux au monde, revient après le déjà somptueux Before… But Longer pour une piqûre de rappel encore plus troublante et vénéneuse, un dosage subtil de songwriting automnal et de country spacieuse, quelque part entre Sparklehorse, Roy Orbison et Echo & The Bunnymen. A noter la présence à bord de Paula Frazer (Tarnation) et une pochette qui renvoie celle des Strokes au catalogue des images pieuses. Pour allécher le chaland, on dira qu’il s’agit d’un « cunnilingus au tatouage » fort osé.
Très humide également, l’image masturbatoire qui accompagne le nouveau Kid Loco, Kill Your Darlings à paraître également en octobre, ne doit pas détourner l’attention du principal : avec ce disque ambitieux, le Kid devient adulte, laisse partiellement tomber ses jouets electro pour se focaliser sur une écriture à l’amplitude sidérante, bordée par des arrangements capiteux et déliée d’une voix (celle d’un certain Tim Keegan, aussi flamboyant derrière un micro que Kevin au point de penalty) grave et profonde comme les gorges du même nom. Si, après tous ces émois, vous avez besoin de bromure, sachez qu’un nouveau Stereolab entre en gare. Musicalement, Sound Dust possède un certain charme rétro designé par les orfèvres John McEntire, Jim O’Rourke et Sean O’Hagan, mais dès que Bécassine Sadier se met à chanter, c’est la poilade assurée, en particulier sur quelques titres en français qui frisent le ridicule ultime. De Stereolab à Stereo Total il n’y a qu’un pas (de nain) et pas mal de points communs. Aussi excitant qu’un barbe-cul chipolatas-merguez chez Catherine Millet, Musique automatique (le 9 octobre) est un catalogue de polissonneries éculées sur fond de mauvais Gainsbourg période Emmanuelle ou d’electro 80 façon Jacky Show chez Les Musclés. En revanche, il n’est pas interdit de se laisser envoûter pour une fois par la très agaçante Tori Amos, surtout lorsqu’elle abandonne son répertoire de s’ur Brontë clitoridienne pour se livrer au délicat exercice des reprises. Son Strange Little Girl (le 18 septembre) revisite ainsi joliment les Stranglers, Boomtown Rats, 10CC, Lloyd Cole ou Eminem avec un aplomb qui force le respect. Suzanne Vega, quant à elle, s’embourgeoise tranquillement le temps d’un Songs in Red and Gray (le 25 septembre) qui manque un tantinet de globules rouges mais ravira ceux qui ne goûtaient guère ses embardées expérimentales. On a moins d’indulgence pour Heather Nova, plus proche désormais de Mamie Nova que de Radio Nova sur un South (le 25 septembre) ronronnant à vide qui comblera d’aise le bobo qui rangera à coup sûr cette babiole translucide entre le dernier Dido et le catalogue Habitat. Toujours au rayon lingerie, on préfèrera l’affriolante Nina Persson, qui a laissé provisoirement au vestiaire ses Cardigans pour revêtir une nouvelle parure, A Camp, plus moulante et mieux taillée pour sa voix d’allumeuse suédoise. Sur l’album A Camp (le 9 octobre), elle se rapproche parfois de la perfection pop contemporaine incarnée par la bien aimée Aimee Mann.
Le fantasme des garçons ados dans les années 80 était de se faire enfermer dans le bus de tournée des Go Go’s. Pour promouvoir la reformation de son groupe de craquettes, Belinda Carlisle n’a pas hésité cet été à poser dans Playboy et on fut surpris de voir à quel point la retouche numérique pouvait faire des miracles. Malheureusement, il n’existe pas encore de méthodes de triche aussi performantes pour la musique, et le nouveau God Bless the Go Go’s (le 2 octobre) a les chairs plus flasques et le teint plus terne que Belinda Photoshop.
Après ce long couplet macho, on s’excusera auprès des filles en leur présentant un fort beau gosse, Joel Plaskett, leader du bouillant trio The Joel Plaskett Emergency, en droite provenance de Halifax. Down at the Khyber est leur second album, empli d’une pop acide et âpre qui rappelle le XTC du début des eighties ou le récent Jason Falkner. Dans la même direction, on suivra avec attention l’évolution de l’autre canadien flambeur du moment, Hawksley Workman, dont le second album, (Last Night We Were) The Delicious Wolves (le 17 octobre) embraye dans la foulée de l’excellent For Him and the Girls paru en début d’année. Un brin plus démonstratif mais toutefois aussi mordant que l’annonce son titre, The Delicious Wolves possède une énergie extravagante et un bagout qui épate encore une fois.
Au Canada toujours, en Ontario exactement, on s’emballe pour le premier essai fragile et splendide d’un certain Howie Beck qui, en dépit d’un nom qui risque de porter à confusion, a réalisé avec Hollow (le 2 octobre) le genre de disques qui donnent encore envie de se battre à mains nues pour eux. Très proche des premiers Elliott Smith, voici la plus sidérante collection de papillons noirs de la rentrée. The One You Wanted proclame l’un des morceaux : on approuve. Le songwriting folk-pop n’en finit d’ailleurs pas de se porter comme un charme, régulièrement honoré par de petits artisans modestes, égarés dans la grande surface vulgaire du rock business. Saluons donc parmi ces humbles boutiquiers le très doué Josh Rouse, un copain de Lambchop remarqué il y a quelques saisons avec son premier album. Le nouveau, Under Cold Blue Stars, confirme un vrai talent horticole, malgré quelques synthés en plastique dont il aurait pu faire l’économie. Une pointe de déception passagère nous étreint aussi à l’écoute du second LP des pourtant forts brillants Kingsbury Manx, dont le premier album éponyme nous avait cueillis par surprise l’an dernier. Let You Down (le 25 septembre) lui succède et les saveurs brumeuses cuisinées à la Syd Barrett se sont un peu raréfiées en chemin.
Rien ne bouge en revanche chez les zigotos gallois de Gorky’s Zygotic Mynci, toujours pile à l’heure pour livrer leur album annuel, moulinant de façon totalement autarcique leur psychédélisme lewiscarrollien sans se préoccuper des changements extérieurs. Cela donne un How I Long to Feel That Summer in My Heart (le 18 septembre) parfaitement semblable aux précédents, ce qui est somme toute une bonne nouvelle. Le stakhanovisme gallois (traduction : on se fait tellement chier au pays de Galles qu’on y fait des disques deux fois par an) trouve également son illustration avec encore un nouvel album des Super Furry Animals, Rings Around the World (le 18 septembre), foncièrement pop et gentiment déglingué comme à l’accoutumée. La nouveauté, c’est qu’il s’accompagne cette fois d’un DVD (vendu séparément) regroupant des films réalisés à la maison à partir de chacune des chansons. Spielberg peut trembler (de rire). Il y en a un autre qui se fait des films, c’est Perry Blake. Le voilà esseulé au piano avec un octet de cordes comme seul filet pour un album live au Cirque Royal, dans le cadre des Nuits Botanique à Bruxelles. De cirque (pas royal) il est effectivement question sur Broken Statues (le 25 septembre), qui se voudrait sans doute un hybride entre Scott 3 et Arvo Pärt mais n’est en réalité qu’un petit caprice prétentiard qui rendrait presque William Sheller sympathique.
L’inusable Paul Weller a des arguments autrement plus costauds à faire valoir. En live également, avec une seule guitare acoustique, il revisite en le dégraissant son répertoire solo et surtout quelques classiques des Jam et du Style Council. Ne serait-ce que pour les toujours aussi vivifiants That’s Entertainment ou Town Called Malice, Days of Speed (le 2 octobre) mérite une visite nostalgique.
Pour en finir avec les live, sachez qu’un Placebo arrive en novembre, pas acoustique du tout, sans orchestre à cordes, conforme à l’urgence qui prévaut quand le trio foule les planches. Dans la volière à corbeaux toujours, sachez qu’un best of de Cure agrémenté de deux inédits arrive pile poil (plume ?) pour Noël (le 12 novembre) tandis qu’un tribute plus qu’improbable le devancera de quelques semaines. Imaginary Songs (octobre) verra un aréopage de trafiquants d’organes essentiellement français opérer à vif ce brave Bobby Smith pour relire leur jeunesse new-wave dans le fruit de ces entrailles autrefois bénies. On y retrouve M, LT.NO, Mickey 3D, Dionysos et même les Little Rabbits bachoter laborieusement leurs classiques. A part Béatrice Ardisson, on ne voit pas bien à qui s’adresse cette chose. A noter enfin, rayon maquillage toujours, une compilation des Smashing Pumpkins (le 30 octobre) avec les inédits (souvent plus intéressants que les faces A) de rigueur. Pour les cotillons et le « tirelipimpon sur le chihuahua », faudra pas non plus compter sur Smog. Malgré son titre, Rain on Lens (le 18 septembre) ne risque pas de faire les beaux jours des supporters Sang et Or du stade Bollaert, même s’il s’agit sans doute de l’album le plus sanguin et précieux livré à ce jour par Bill Callahan. A écouter en priorité : le prodigieux Song, qui devrait rendre Nick Cave vert de jalousie. Après une telle plongée tourmentée dans les catacombes mentales de Smog, on se rafraîchira de l’haleine mentholée de la sirène Stina Nordenstam, dont le nouveau This Is Stina Nordenstam (le 22 octobre) est étonnamment poppy et pimpant, tout en conservant ses secrets douillets au fond d’une gorge au satiné toujours diabolique. Pour ceux qui préfèrent les nerfs plus à vif et les trachées empourprées, il faut se pencher sérieusement sur le cas de Shannon Wright, tigresse déjà repérée lorsqu’elle errait dans les alentours du bivouac Calexico. Dyed in the Wool (fin octobre), son troisième album cuisiné à cru, a reçu la bénédiction de Steve Albini et il n’est pas interdit de penser à PJ Harvey (et peut-être un peu aussi à Siouxie), ni de parler de révélation à son endroit.
La palme du meilleur nom de l’année revient sans discussion à Starsailor (pour la référence à Tim Buckley), considéré par l’Angleterre comme son groupe star de demain (Love Is Here, le 9 octobre). Le When Do We Start Fighting des Londoniens de Seafood (le 18 septembre) empeste sérieusement la crevette. Parmi les réjouissances olfactives, il faut également parler du dénommé Ours, sous la fourrure duquel se planque un certain Jimmy Gnecco, un natif du New Jersey qui a trop écouté U2 pour être honnête. Distorted Lullabies (le 1er octobre) est d’ailleurs produit par un revenant fameux du son early eighties, Steve Lillywhite, qui retrouve ici tous ses mauvais réflexes. Dans le dossier de presse, on apprend que Gnecco fut avant ça livreur de pizzas, on dira donc poliment qu’il n’a pas beaucoup changé de métier. Dans le genre ourson, on préfère largement Malay, indien de Londres dont le Spitmarks on the Mirror sorti cet été évoque un croisement entre Lennon, Sly Stone et Ananda Shankar. La communauté indo-pakistanaise cherche toujours son Marley, avec Malay elle a sans doute déjà trouvé son Ben Harper. A propos des oncles Ben, c’est une véritable avalanche qui nous attend cet automne avec les parutions en enfilade du premier album solo de Ben Folds (le 11 septembre), du second véritable album du binôme folk Ben & Jason (Ten Songs About You, le 2 octobre) et du deuxième Ben Christophers (octobre). La saison démarre ben, donc.
Tous ceux qui ne se sont toujours pas remis du divorce des Boo Radleys seront bien inspirés d’aller faire un tour à l’auberge Beulah, où l’on sert à peu près les mêmes breuvages énergisants et où l’on vénère la déesse pop-song avec une dévotion remarquable. Troisième album des San Franciscains, The Coast Is Never Clear (le 19 octobre) monte encore en puissance et atteint partiellement le nirvana sur quelques chansons inoubliables. Ceux, en revanche, qui pleurent toujours les Stone Roses feraient bien de sécher la visite annuelle au pauvre Ian Brown qui, à force de tourner en rond, a fini avec Music from the Spheres (le 1er octobre) par revenir au milieu des eighties, à l’époque où l’Angleterre s’ennuyait ferme et attendait ses nouveaux messies, les Stones Roses. Qui a dit cercle vicieux ? Pas la peine non plus de s’attarder trop longtemps chez les Charlatans, dont le pourtant pas désagréable Wonderland (le 10 septembre) ressemble plus au village des Schtroumpfs qu’au pays des Merveilles.
Alors qu’on était sans nouvelles de Nouvelle-Zélande depuis plusieurs années, voilà que paraissent coup sur coup un album des vétérans The Clean, Getaway, et le premier galop solo du leader des Verlaines, Graeme Downes (Harmmers and Anvils).
Autre retour réjouissant : celui de Stephen Duffy, qui a choisi de reprendre à nouveau l’identité Lilac Time pour un sixième album (Lilac 6, le 9 octobre), où rien n’a fondamentalement bougé en l’occurrence, c’est tant mieux. Chez Eels, par contre, la météo repasse à l’orage avec un cinquième album, Souljacker (le 11 septembre) aussi hirsute et intoxiqué que le précédent était poli et bucolique. Un gros coup de grisou aussi pour les Norvégiens taciturnes de Motorpsycho, dont le luxueux précédent album ne laissait pas présager un virage aussi radical sur le nouveau Phanerothyme (le 25 septembre), septième opus qui revisite les territoires mouvants du prog-rock. Leurs compatriotes de Kings Of Convenience demeurent plus sobres avec Versus (le 22 octobre), un épatant album de remixes qui retaille en douceur et en finesse les petits bijoux du sublime Quiet Is the New Loud paru plus tôt dans l’année.
Jadis sensation exotique en provenance du Nord, 22 Pistepirkko s’est peu à peu dissout dans l’indifférence, ce qu’on comprend volontiers en écoutant le fort quelconque Rally of Love (le 2 octobre), où l’on retrouve nos Finnois de moins en moins finauds. Notre tour rapide de la Scandinavie s’arrête enfin par la Suède, avec le second album de Nicolai Dunger, Soul Rush (le 18 septembre), un peu plus étoffé et enfiévré que le précédent, qui rappelle bizarrement cette vieille barbe de Van Morrison.
Ancien leader des remarquables (mais peu remarqués) Evil Superstars, le belge Mauro retente sa chance au grattage avec un premier effort solo, Songs from a Bad Hat (le 8 octobre), bouillonnant mais un peu rude cocktail de rock fort et de tics Iggy. Autrement plus délicat à l’oreille au point qu’il est quasiment impossible de s’en défaire, le second album de Morning Star, My Place in the Dust (octobre), ne devrait pas longtemps laisser ce groupe luminescent sous la poussière de l’anonymat. D’autant que John Parish aide ici le surdoué Jesse D. Vernon à épousseter ses derniers complexes pour laisser percer à jour sa plume de songwriter hors norme.
Lorsqu’il ne passe pas ses heures dans le grenier prodigieux de la Californie sixties pour en exhumer des trésors signés Gary Usher ou Curt Boetcher, Alan McGee entretient sur son label Poptones des groupes qui galopent après les mêmes merveilles douillettes. Dans le genre, le second album d’Arnold, Bahama (en import, le 1er octobre), peut laisser croire qu’une machine à remonter le temps vient d’être livrée clés en main à l’ex-taulier de Creation. On use beaucoup du rétroviseur également chez les quatre Américains protégés de Robert Fripp, The Rosenbergs, dont le premier album, Mission:You (le 2 octobre), est gorgé de bonnes chansons power-pop qui rappelleront Fountains Of Wayne aux plus jeunes et les éternels Plimsouls, Shoes ou DB’s aux anciens combattants.
Discrètement, pour ainsi dire dans l’indifférence générale, les endurants Superchunk de Chapel Hill continuent d’ouvrager des albums régulièrement inspirés, aux mélodies enlevées et aux arrangements stylés. C’est le cas du nouveau Here’s to Shutting Up (le 10 septembre) qui pourtant, on le craint, ne clouera le bec de personne. Mais le prix de la persévérance revient sans hésitation à Hefner et à son imaginatif leader Darren Hayman, qui enquille les (bons) albums comme d’autres changent de chemise. Le petit dernier s’intitule Dead Media (le 25 septembre) et il est aussi turbulent, intelligent, curieux et charmeur que les autres. On a attendu beaucoup plus longtemps en revanche le nouveau Pinback, après le stupéfiant This Is Pinback début 99. Son successeur, Blue Screen Life (le 1er octobre), se montre à la hauteur de nos espérances quant à la faculté troublante de ce contemplatif duo californien pour inventer avec trois fois rien des paysages neutres d’une beauté froide et néanmoins foudroyante.
D’Amérique également, des nouvelles réjouissantes nous parviennent aussi des très en vue Clem Snide, New-Yorkais au rock oblique et érudit dont c’est déjà le troisième LP. Pour les retardataires, The Ghost of Fashion (le 18 septembre) arrive en France accompagné pour le même prix du précédent, Your Favorite Music. A conseiller vivement à tous ceux qui sont déjà en manque de Pavement. Plus carrées et rustiques mais pas moins séduisantes, les solides compositions de l’ex-chanteur de Whiskeytown, Ryan Adams, grimpent encore d’un ton sur un deuxième album solo, Gold (le 24 septembre), moins prévisible qu’on pouvait le croire. Sur la chanson d’ouverture, par exemple, Adams s’empare du jazz à bras le corps avec le même appétit d’ogre que Springsteen avec la soul-music à ses débuts. Saluons pour finir le retour de deux prêtresses de l’underground new-yorkais. D’abord Thalia Zedek, l’ex-vamp colérique de Come, Uzi et autres Dangerous Birds ou Skull, qui signe enfin sous son nom un Been Here and Gone apaisé et intimiste. Plus clinquant est le retour de Laurie Anderson, dont c’est la première sortie en ville depuis sept ans. Life on a String (le 4 septembre) ressemble d’ailleurs à un vernissage de la jet-set vieille avant-garde, avec des invités de prestige tels Bill Frisell, Dr John, Van Dyke Parks, Vinicius Cantuaria et, forcément, Lou Reed. Du beau linge, reste à savoir si on aura envie de s’y glisser.
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PULP
Avec un disque qui commence comme Venus in Furs du Velvet, tous les espoirs sont permis. Et Pulp Love Life confirme dans son intégralité l’intensité de ces premières secondes de percussions et violons irréels.
Absents depuis 1998 et This Is Hardcore, Jarvis Cocker et sa bande sont allés dénicher un Scott Walker pourtant réputé reclus pour produire ce nouvel album organique et touffu, à l’intelligence pas artificielle. La rencontre de ces deux cerveaux parfaitement connectés a canalisé les ambitions et (parfois) démesures de chacun pour ne garder que la clairvoyance et la luminosité, équilibrant parfaitement sens mélodique, arrangements et trouvailles instrumentales improbables. Pulp s’éloigne ainsi de son goût pervers pour la pop synthétiquement orchestrée pour donner à ses chansons le charme et l’étoffe de la perfection bacharesque doux comme du velours qui enroberait du barbelé électrique.
Un disque tellement étrange et décalé qu’une dizaine d’écoutes sont nécessaires pour en révéler la stupéfiante beauté : comme chez Radiohead, la patience est ici luxueusement récompensée.
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SPIRITUALIZED
Le démiurge Jason Pierce ne connaît aucune limite à ses ambitions musicales. Après avoir viré la quasi-totalité de Spiritualized et recomposé intégralement sa famille (nouvelle section rythmique, nouveau guitariste et cinq cuivres), il invite orchestre symphonique et chœurs de gospel à construire sa musique en toute démesure. Emphatique et grandiose, Let it Come Down tonne, gronde, menace et cajole, ses mélodies roulent comme des rafiots sur une mer déchaînée, essayant de rester à flots sous la profusion d’instruments et de tempêtes de cordes. Véhément et dément. Mais cette fois, Jason a pensé à la bouée de sauvetage : un tube pop imparable intitulé Do it All Over Again.
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