C’est un type à tête d’ampoule qui rêve souvent de trains et qui peint des crabes sur les pochettes de ses disques. Un doux dingue à la cervelle zébrée de visions poétiques et morbides, pince-sans-rire mélancolique, fondamentalement inadapté, fatalement voué à l’animation de chapelle. Un Monsieur Loyal aphone de petit cirque de village déserté, battu […]
C’est un type à tête d’ampoule qui rêve souvent de trains et qui peint des crabes sur les pochettes de ses disques. Un doux dingue à la cervelle zébrée de visions poétiques et morbides, pince-sans-rire mélancolique, fondamentalement inadapté, fatalement voué à l’animation de chapelle. Un Monsieur Loyal aphone de petit cirque de village déserté, battu par tous les vents, oublié sur la grand place. De ce côté-ci de l’Atlantique, personne n’en veut, de la pop goulûment psychédélique de Robyn Hitchcock, de ses vignettes fantaisistes trempées de darjeeling acide ; surtout pas l’Angleterre qui, sourde comme un pot, avait déjà laissé ses Soft Boys se briser sur les décombres d’un petit chef-d’œuvre coloré et déjanté (Underwater moonlight), aux heures sombres du psychodrame new-wave. Bizarrement, c’est aux Etats-Unis que ce chapelier snobé a fini par aborder son pays des merveilles. Adulé par REM, Robyn Hitchcock s’est muté en star exotique des campus yankees, en miraculé du melting-pot. Car, pour une fois, de l’autre côté du miroir aux alouettes, le rêve américain n’a pas viré au cauchemar. C’est qu’il est si singulier, Robyn Hitchcock, si détaché des choses de ce monde que même le rouleau compresseur hollywoodien n’est pas parvenu à le tailler aux normes. A l’écoute de Moss elixir, on se demande encore comment les disques dingos d’Hitchcock ont pu faire carrière au Billboard. Ici, le batteur fait grève pour un oui ou pour un non, les instruments n’ont jamais approché un hamburger de leur vie, la voix se paie une laryngite carabinée. De l’Amérique, l’homme n’a retenu que le carillon féerique des guitares des Byrds et quelques tours de passe-passe chapardés dans la confiserie du bon docteur Leary. Troubadour lunaire et voisin de cave de Syd Barrett, Robyn Hitchcock n’a jamais compris qu’une chanson n’avait nul besoin de solo inversé, de violon fugueur, de trompettes dissonantes pour vivre sa vie. Lui préfère leur en inventer dix autres. Champion de la pâtisserie sans sucre et du colorant naturel, il pétrit toujours sa pâte à mains nues et cuit encore au feu de bois. Un jour ou l’autre, on finira par faire la queue devant la boutique fantastique de Robyn Hitchcock.
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