Cette année, mieux valait aller voir du côté de la vidéo et de Cinéma du présent que de la compétition officielle, pour y récolter son lot de nouveaux talents et confirmations, avec Vincent Dieutre, Naomi Kawase, Mathieu Amalric et Chad Chenouga.
Aucun des films qui nous auront passionné cette année (exception faite du Abolfazl Jalili (Delbaran), du Alain Gomis (L’Afrance), du Anne Fontaine (Comment j’ai tué mon père), intéressants) n’appartiennent à la compétition officielle. Ils se baladaient plutôt entre la compétition vidéo (Vincent Dieutre, Naomi Kawase) et la sélection Cinéma du présent (Mathieu Amalric, Chenouga).
De Vincent Dieutre, vous savez qu’il aime Duras et Akerman, les plans vides et les textes off, a signé deux films stupéfiants de force et de beauté (Rome désolé, Leçon de ténèbres) et s’apprête à vous en coller un troisième, Bonne nouvelle, bientôt diffusé sur Arte, portrait désolé? du quartier de poussière et de sueur dans lequel il vit. Beaucoup voient dans cet opus son meilleur film, sans doute parce que les textes y sont non seulement rétrospectifs et beaux mais dits à trois voix (deux femmes, un homme), donnant au film une épaisseur chorale que soulignent des séquences de plus en plus occupées par les corps, leur surgissement dans des lieux balisés, Dieutre habituant progressivement son cinéma à la présence de l’autre, la poussant jalousement sous des sunlights cliniques. Good news from home, donc !
Japonaise, divorcée et auteur de deux longs métrages (Suzaku en 1996, et Hotaru, inédit), Naomi Kawase signe aussi des essais vidéos plus sybillins, où elle s’affranchit de toute pudeur pour livrer des auto-analyses de désespoir destinées à l’aider à bâtir ses fictions. Progressivement, on voit bien, baba devant Kya Ka Ra Ba A, que ces vidéos arrivent à supplanter ses fictions. Déjà, Kawase ne fait plus le distinguo entre fiction et document brut, ses journaux font autant uvres de confessions que de mensonges. Pure construction analytique, potion de sorcière.
Ceux qui avaient goûté à Mange ta soupe, premier moyen métrage de Mathieu Amalric en tant que réalisateur attendait énormément du Stade de Wimbledon. Pourtant Le Stade est un film fait dans l’absence même d’enjeu, à contre-courant du poids infusé habituellement dans un premier long, tourné sur une année, épisodiquement, avec un désir permanent d’échappée belle, qui de Trieste à Wimbledon voit Jeanne Balibar parcourir les états sensibles de la mélancolie. La langueur adriatique de Trieste, sa tristesse romanesque lui va aussi bien que Porto, du temps où Biette emmenait le couple Amalric-Balibar dans sa traversée de Trois ponts sur une rivière.
On ne savait rien de Chad Chenouga avant la projection de 17, rue Bleu. Désormais, non seulement on en sait beaucoup sur lui, sur sa mère, et la folie qui violemment les réunit. Mais on repart de Locarno avec la certitude d’avoir rencontré un film habité d’une drôle de douceur et d’une drôle d’étrangeté, qui fait semblant de croire aux vieilles lunes du réalisme mais leur tord le cou dès qu’elles ont le dos tourné pour ne toucher qu’à la blessure.
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