Le leader de Ben Folds Five offre à ses pop-songs des vacances polissonnes : elles en claquent du Beck.L’excellent Ben Folds, pianiste et chanteur du trio pop américain Ben Folds Five, s’offre ici un petit caprice d’anti-star : un album entier de collages, coloriages, décalages et babillages réalisé sous l’anonyme identité Fear Of Pop pendant […]
Le leader de Ben Folds Five offre à ses pop-songs des vacances polissonnes : elles en claquent du Beck.L’excellent Ben Folds, pianiste et chanteur du trio pop américain Ben Folds Five, s’offre ici un petit caprice d’anti-star : un album entier de collages, coloriages, décalages et babillages réalisé sous l’anonyme identité Fear Of Pop pendant les heures chômées de sa monture officielle. Ce Volume 1 propose donc une visite inédite dans les coulisses de Ben Folds Five où règne un effarant bordel comparé à sa façade extérieure. Dispensé des efforts de représentation, libre de donner à ses morceaux la forme (ou la non-forme) qu’il souhaite, Ben Folds se lâche ici comme un chien fou dont on aurait contenu trop longtemps les envies : sur la bordure sage des chansons, il pisse tel un vandale ; sur le gentil couplet-refrain à sa mémère, il se jette comme un affamé, lui déchirant la viande avec la fureur d’un loup-garou.
Sous sa pochette western, voici un disque sans foi ni loi, un disque foie jaune et loi du plus fort, un disque pop de pleine lune, totalement déréglé et effrayant. Tous les figurants habituels du petit théâtre burlesque BF5 sont présents, mais ils apparaissent en désordre, improvisent leur texte, se font des croche-pieds, se risquent à des cascades non prévues dans le scénario : la basse montée sur les nerfs d’une pédale fuzz, le batteur à cinq bras, les choeurs d’angelots, les claviers hypnotiques, tout ce casting doux dingue d’habitude relativement poli et bien ordonné pète cette fois carrément les plombs. Ça donne des instrus malades mentaux entrecoupés de dialogues de sourds (Rubber Sled), des couplages étranges d’aboiements, de sirènes, de clavecins, de hurlements, de violons ou d’applaudissements, du disco punk torpillé façon objectif militaire irakien, de la pop pilonnée de funkadélicieuse manière, du hip-hop fusionnel et orgasmique… Bref, un n’importe quoi terriblement attachant pourvu qu’on ait l’estomac bien accroché. Clinique aux pratiques éthiquement douteuses, Fear Of Pop façonne en effet des monstres à plusieurs têtes, aux braillements cacophoniques et aux gènes anarchiques. I paid my money ressemble ainsi à du Talking Heads joué par les Pixies et produit par Devo (on peut disposer ces noms dans un autre ordre, ça marche aussi), Kops à un thème de BO blaxploitation passé à tabac par un blanc Beck. On pense d’ailleurs beaucoup à Beck, partout, et surtout à Odelay qui peut sans problème revendiquer la paternité de ce rejeton ébouriffé et sale, à la conduite totalement dévoyée. Invité vedette surprise dans cette drôle de capsule, William Shatner, l’authentique Captain Kirk de la série Star Trek, se voit confier le seul rôle à peu près cohérent de cette histoire abracadabrante : celui du récitant sur le splendide In love, pop-song que l’on croirait directement téléportée depuis le Jordan de Prefab Sprout et qui mériterait les honneurs d’une exposition planétaire. Dans l’hypothétique futur Volume 2 des aventures de Fear Of Pop, qu’on se surprend à attendre avec impatience, on rêve déjà de Mr Spock donnant la réplique au facétieux Ben. Ça aurait une sacrée gueule.
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