Si la réalité virtuelle pointe son nez avec de plus en plus d’insistance, les jeux de 2015 ont varié formes et contenus pour des expériences passionnantes.
Cinq épisodes en un an
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Alors, on décide que le mieux est de s’asseoir un peu et de ne rien faire de précis, sinon regarder autour de soi et réfléchir à ce qu’il vient de se passer. Ou peut-être ne penser à rien, juste être là, un moment, tranquillement. Le jeu qui nous offre régulièrement cette possibilité quasi subversive dans une industrie obsédée par l’hyperactivité s’appelle Life Is Strange.
Conçu par le studio parisien Dontnod (déjà remarqué en 2013 avec Remember Me), il nous a accompagnés toute l’année, de son premier épisode paru en janvier au cinquième et dernier, disponible (en téléchargement) depuis la fin octobre.
L’étrangeté d’un teen movie-indé
Une année dont il a constitué la plus belle surprise ludique avec ses personnages justes et beaux, sa petite ville américaine et son lycée que l’on jurerait empruntés à un teen-movie indé. Et son récit aussi fin que touchant, même dans ses embardées polar et/ou fantastiques. On n’oubliera pas de sitôt Max, Chloé et les autres, côtoyés pendant une quinzaine d’heures dans ce jeu d’une délicatesse folle qui tranche de manière ouverte les vieux débats sur ce que peut (et doit) faire le jeu vidéo, en particulier en termes de narration. On retiendra de 2015 qu’en la matière, rien n’est interdit, et surtout pas les approches hybrides.
Car Life Is Strange n’a pas été le seul jeu à renouveler l’art du récit interactif en s’appuyant sur les forces du médium (avec, dans son cas, l’usage du retour en arrière pour modifier ce que l’on a “mal” fait) tout en flirtant avec d’autres modes d’expression, à commencer par la série télé (dans le sillage du studio américain Telltale et de son Walking Dead décisif de 2012). Au rayon de l’épouvante, Until Dawn a fait de même avec un style de jeu empruntant aussi aux œuvres de David Cage (Heavy Rain, Beyond: Two Souls).
Echange de SMS avec un astronaute
Quant à Her Story, du Britannique Sam Barlow, déjà auteur de l’un des épisodes les plus audacieux de la saga Silent Hill (Shattered Memories), c’est avec une base de données vidéo qu’il a bouleversé nos habitudes de joueur. Son récit est un puzzle à reconstituer. A l’écran, une femme parle. Quelqu’un est mort, elle témoigne, on tâche de comprendre. On ne la quitte pas des yeux.
On attend sur notre portable le prochain appel à l’aide
Et que dire de Lifeline, sidérante aventure spatiale et phénomène du jeu mobile qui transpose le principe des livres dont vous êtes le héros à l’ère du SMS et des messageries instantanées ? On y dialogue avec un astronaute perdu sur une planète mystérieuse qui nous demande conseil. Parfois, il part en exploration et c’est fébrilement qu’on attend la prochaine notification sur notre portable – le prochain appel à l’aide.
Disparition d’un patron emblématique
Dans le monde des jeux vidéo, 2015 fut ainsi l’année des histoires mutantes, en morceaux alternativement scintillants et tranchants qui s’invitent dans nos vies – et les repeuplent, les repeignent. Mais, dans une industrie où, côté consoles, l’ultrapopulaire PS4 fait de plus en plus figure de standard, elle fut aussi bien d’autres choses. Elle restera ainsi comme l’année où Nintendo a perdu son patron emblématique Satoru Iwata (mort au début de l’été) et décidé de se lancer – sacrilège ! – dans le jeu pour téléphones mobiles tout en peaufinant en secret sa future console, nom de code NX, destinée à succéder dès 2016 à la mal aimée Wii U et dont il se murmure qu’elle abolirait la vieille frontière entre machines portables et de salon.
En attendant, la firme japonaise force la sympathie en enchaînant de manière quasi militante les petits bijoux joyeusement kawaii (Splatoon, Captain Toad, Yoshi, Kirby…), bien loin des blockbusters pétaradants. 2015 fut également l’année où le grand Hideo Kojima a dit au revoir à la saga Metal Gear Solid avec l’impressionnant MGS V – The Phantom Pain. Au revoir, aussi, à son employeur historique, l’éditeur japonais Konami, avec qui la rupture est consommée – et qui ne croit apparemment plus aux jeux à gros budget.
2015, enfin, fut l’année d’une nouvelle révolution ludique ou, en tout cas, de sa promesse : la réalité virtuelle. Avec plusieurs casques concurrents à écran intégré (Oculus Rift, PlayStation VR…), cette dernière s’apprête à prendre d’assaut le marché du jeu vidéo. Pour tout changer ? A voir.
Sur ce terrain, on suivra avec attention un projet très spécial : celui du studio belge Tale of Tales qui, après l’échec commercial de Sunset, autre grand moment ludico-narratif de l’année, bâtit désormais une “ cathédrale dans les nuages” (Cathedral in the Clouds, donc) qui se visitera grâce à un casque de réalité virtuelle. Une cathédrale dans laquelle on brûle déjà de s’asseoir un peu pour ne rien faire de précis, sinon regarder autour de nous. Et peut-être ne penser à rien. Juste être là.
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