De la radicalisation au crime climatique en passant par la consolation, les intellos de gauche, le repli et la fraternité.
Radicalisation
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Déjà perceptible depuis une dizaine d’années, la radicalisation jihadiste d’une partie de la jeunesse française a secoué le pays, découvrant par deux fois l’intensité de la violence qui l’habite, sans saisir totalement ses origines. Plutôt qu’une radicalisation de l’islam, c’est une “islamisation de la radicalité” qui, d’après le sociologue Olivier Roy, caractérise le phénomène du jihadisme.
Comment réussir à briser l’image délirante de héros que ces jeunes jihadistes se construisent ?
Pour quelque 4 500 jeunes Français, souvent issus de la classe moyenne, Daech est un produit qui s’ajuste à des troubles identitaires et à des blessures narcissiques, estime le psychanalyste Fethi Benslama. Ce processus se fait autour d’un imaginaire du héros.
Face à la radicalisation, il importe d’être radical, c’est-à-dire littéralement de prendre la mesure du problème à la racine. Comment réussir à briser l’image délirante de héros que ces jeunes jihadistes se construisent ? Un défi pour la société française, au-delà de l’horizon sécuritaire.
Consolation
Comme le défend le philosophe Michaël Foessel dans son magistral essai Le Temps de la consolation (Seuil), paru quelques semaines avant les attentats du 13 novembre, il est important de repenser aujourd’hui la nécessité d’une philosophie et d’une politique de la consolation. Et de s’éloigner d’un modèle ancien dominé par les prêtres et les sages. Non que la philosophie ou la politique consolent de quoi que ce soit, mais leurs ressources peuvent nous aider à prendre en charge la tristesse qui nous envahit.
Un chemin pour supporter collectivement les privations qui nous font pleurer
Modeste dans son déploiement (entrer dans un dialogue motivé par le chagrin, sans annuler la tristesse), mais infini dans ses intentions (œuvrer pour que l’autre reprenne le pouvoir sur sa souffrance), le “geste” de consolation est la condition pour autre chose : un chemin pour supporter collectivement les privations qui nous font pleurer.
Intellos de gauche
Où sont passés les intellectuels de gauche ? Comme au début des années 1980, la question a traversé le débat public. Face à l’omniprésence médiatique des intellos de cour, une certaine doxa dominante, divisée entre la droite de plus en plus extrême et la gauche de gouvernement, reproche aux penseurs progressistes leur silence.
Sans prendre la peine de lire tous ceux qui en incarnent les nouveaux visages, moins visibles et plus dispersés, certes, mais beaucoup plus vivaces et stimulants qu’on le dit. Ce sont les intellos de gauche eux-mêmes qui critiquent d’ailleurs le plus la “désintégration de l’eschatologie progressiste”, selon l’expression de Sudhir Hazareesingh dans Ce pays qui aime les idées (Flammarion).
“Redéfinir et transformer la scène intellectuelle et politique” Geoffrey de Lagasnerie et Edouard Louis
Pour Marc Crépon, auteur de La gauche, c’est quand ? (Equateurs), on assiste à une “rupture des engagements historiques auxquels la gauche doit une part de son identité”. Dans leur “Manifeste pour une contre-offensive intellectuelle et politique”, Geoffroy de Lagasnerie et Edouard Louis invitaient à “redéfinir et transformer la scène intellectuelle et politique”. Un chantier est lancé.
Repli
Comme l’analysent trois historiens, Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Ahmed Boubeker, dans Le Grand Repli (La Découverte), les thèses les plus opposées à l’héritage démocratique républicain sont de plus en plus partagées par des intellectuels, journalistes, hommes politiques et publics, créant une dynamique de régression inédite depuis les années 1930.
Il y a bien “quelque chose de détraqué dans l’ordre du vivre-ensemble”, soulignent les auteurs, lucides sur le fait qu’un slogan comme “Je suis Charlie”, aussi rassembleur soit-il, “ne suffit pas à fonder un récit partagé dans la durée”.
Ce repli consiste à “cultiver l’aigreur et l’agressivité contre les minorités, tourner le dos au monde, en étant gouverné par la peur”. La frilosité manifeste des politiques et de nombreux citoyens face à la question des réfugiés forme le symptôme de ce grand repli, qui pour éviter qu’il ne soit définitivement plié invite à une revitalisation de l’esprit démocratique.
fraternité
Au grand repli, constaté cette année, s’opposent heureusement des valeurs progressistes, à l’œuvre dans l’espace politique. La fraternité pourrait être la première d’entre elles. Si les attentats de janvier et de novembre ont sidéré le pays tout entier, ils ont produit en partie l’effet contraire de celui que les terroristes recherchaient.
“Au lieu de nous terroriser, ils nous ont donné du courage ; au lieu de nous diviser, ils nous ont rassemblés”, estime le philosophe Abdennour Bidar dans son Plaidoyer pour la fraternité, à l’inverse de l’idée d’Emmanuel Todd, plus sceptique face à l’évidence de cette union nationale dans Qui est Charlie ?
Les signes d’un attachement sincère à la valeur républicaine
Les rassemblements sur les places de France, expression digne d’une souffrance préservée de tout principe belliqueux, furent les signes d’un attachement sincère à la valeur républicaine, sans laquelle la liberté et l’égalité ne vaudraient rien par elles-mêmes. Plus que jamais, et en dépit de la centralité du FN dans l’espace politique, l’articulation de la devise républicaine semble polarisée vers sa troisième dimension.
crime climatique
Occultée par la menace terroriste de Daech, la question du changement climatique a encore du mal à imposer sur l’agenda politique son urgence absolue. Pourtant, jamais les travaux de chercheurs et intellectuels sur le climat n’ont autant qu’aujourd’hui analysé les dangers qui pèsent sur les équilibres de la planète (émissions de gaz à effet de serre, hausse du niveau de la mer, acidification des océans…).
Juguler la toute-puissance de la finance
La pensée écologique, foisonnante, nous alerte sur la fin nécessaire du modèle d’extraction des énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz) et sur l’obligation de poser les bases d’un nouveau paradigme économique : développer les énergies renouvelables (solaire, éolienne, hydraulique…), initier un plan Marshall d’efficacité énergétique, favoriser l’économie collaborative, des modèles agricoles alternatifs (agro-écologie), juguler la toute-puissance de la finance… Une exigence pour les années à venir, d’autant que le terrorisme prospère aussi à cause du changement climatique.
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