De plus en plus d’entreprises américaines prennent position sur le mariage gay, s’attirant les foudres – en cas de soutien – des anti menés par la puissante National Organization for Marriage. Explications.
Alors que les Etats du Maine, du Maryland et de Washington ont voté en faveur du mariage gay la semaine dernière lors de référendums, la National Organization for Marriage, fondée en 2007, continue de se battre becs et ongles contre les droits des homosexuels aux Etats-Unis, avec pour cible les entreprises. Dernier fait en date : le 8 novembre, lors d’une conférence, quand l’organisation privée a appelé le Moyen-Orient à « faire payer » à Starbucks et à d’autres entreprises (non citées) leur soutien au mariage gay. Selon The Colorado Independent, qui rapporte l’histoire, le président de la NOM, Brian Brown, aurait déclaré :
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
« Par exemple, au Quatar, au Moyen-Orient, nous avons commencé à travailler afin de nous assurer qu’un prix sera payé pour ce soutien. Ce ne sont pas des pays qui voient d’un bon œil le mariage gay. Et c’est là-bas que Starbucks souhaite se développer, ainsi qu’en Inde. Donc nous avons déjà travaillé à cela mais nous devons faire beaucoup plus. »
Le boycott : l’arme ultime de la NOM
Ce n’est pas la première fois que l’organisation conservatrice s’attaque à Starbucks. En avril dernier, la NOM lançait un appel au boycott de la marque sous le slogan « Dump Starbucks » et invitait les Américains à télécharger des stickers et des flyers et à appeler le Starbucks le plus proche de chez eux pour se plaindre de leur attitude. Cette vague de haine faisait suite au communiqué publié par la chaîne le 24 janvier, dans lequel elle se prononçait en faveur du mariage pour tous.
Brian Brown de la NOM avait alors déclaré :
« Les Américains devraient pouvoir boire une tasse de thé tranquillement sans s’inquiéter qu’une portion des profits de l’entreprise serve à soutenir le mariage gay sans un vote de la population. »
En juin, la NOM ciblait General Mills, une entreprise qui produit des paquets de céréales et qui a donc une image familiale, car elle s’était prononcée contre un amendement qui devait définir le mariage comme une union entre un homme et une femme, qui devait être soumis au vote dans le Minnesota. Là aussi, la National Organization for Marriage avait lancé un appel au boycott, créant le site « Dump General Mills » – qui répertorie les produits fabriqués par l’entreprise. Jonathan Baker, un des directeurs de la NOM, avait défendu le projet en expliquant :
« Manger des Cheerios au petit déjeuner ne devrait pas être un choix moral sur le mariage. »
Dans le même temps, la NOM avait envoyé des lettres aux cinquante plus grandes firmes du Minnesota pour les appeler à garder une position neutre dans ce conflit autour de l’amendement sur le mariage gay.
Microsoft, Amazon et Nike ont soutenu le référendum dans l’Etat de Washington
Starbucks et General Mills sont loin d’être les seules entreprises à s’être prononcées en faveur du mariage pour tous. Plusieurs firmes ont bataillé ferme pour la tenue d’un référendum sur le mariage gay dans l’Etat de Washington (qui a donc eu lieu le 6 novembre dernier et qui a vu les « oui » l’emporter). Ce combat, mené principalement par le groupe Washington United for Marriage, a en partie été financé par plusieurs dirigeants d’entreprises, dont Jeff Bezos, PDG d’Amazon, à hauteur de 2,5 millions de dollars, et Bill Gates, qui lui a consacré 100 000 dollars. Microsoft, l’entreprise dont il est le cofondateur et l’ancien PDG, s’est, elle, déclarée en janvier favorable au mariage gay et à la tenue d’un référendum via un communiqué dans lequel elle explique :
« Il est primordial, afin de réussir, que nous ayons une main d’œuvre aussi diversifiée que nos clients. Tous les jours, les économies mondiale et nationale deviennent de plus en plus diverses. L’élément moteur d’une entreprise est sa capacité à comprendre et être connectée à sa clientèle. Nous ne faisons pas exception. Maintenant plus que jamais, la force de travail la plus efficace est une main d’œuvre variée. »
D’autres compagnies comme Nike, Expedia (voir leur pub en faveur du mariage gay) et T-Mobile se sont également prononcées à la même époque en faveur de la tenue d’un référendum dans l’État de Washington.
Oreo, Google, American Apparel, Apple
A l’échelle nationale, la marque de biscuits Oreo a farouchement soutenu les droits pour les homosexuels en lançant une campagne de pub en juin dernier à l’occasion de la gay pride, qui dévoilait un oréo aux couleurs de l’arc-en-ciel. En 2008 déjà, des entreprises comme Apple, Google et American Apparel (voir sa campagne « Legalize Gay ») s’était officiellement déclarées contre la proposition 8 d’amendement à la Constitution de l’Etat de Californie qui affirmait que seul le mariage entre un homme et une femme pouvait être célébré (proposition qui a été votée avant d’être annulée en 2010).
Le 25 octobre dernier, Google fêtait son partenariat avec The Four, un groupe pro-LGBT, en dévoilant une vidéo dans laquelle ses employés expliquent pourquoi ils soutiennent le mariage pour tous.
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=yfLa1-2zBuI
Le cas Chick-fil-A
A la différence de ses consoeurs, la chaîne de restaurant spécialisée dans les sandwich au poulet Chick-fil-A s’est, elle, présentée comme une fervente opposante à l’ouverture du mariage. Le 26 juillet, son président Dan Cathy déclarait dans les colonnes de The Baptist Press :
« Nous soutenons la famille – la définition biblique de l’unité familiale. Nous sommes une entreprise familiale, et nous sommes toujours mariés à nos premières épouses. Nous remercions Dieu pour cela. »
Les maires de Boston et de Chicago s’étaient alors opposés à l’ouverture de restaurants Chick-fil-A dans leurs villes.
Mais la position de cette entreprise ne lui a pas seulement porté ombrage. Fin octobre, une étude de marché menée par Sandelman & Associates – qui mène des enquêtes sur les chaines de fast-food – avait révélé que le nombre de personnes se rendant chez Chick-fil-A avait augmenté de 2,2% au cours du dernier mois. Le 1er août, les « supporters » de la chaîne avait organisé une « Journée de la reconnaissance » qui avait permis aux restaurants de connaître des records de vente.
Des engagements intéressés
Derrière les prises de position pro-mariage gay se cachent souvent des intérêts financiers. En juillet, les éditeur de jeux Electronic Arts et Zynga ainsi que Microsoft avaient signé une déclaration dans laquelle ils demandaient la reconnaissance du caractère inconstitutionnel du Defense of Marriage Act (Doma) [loi fédérale américaine définissant le mariage comme une union entre un homme et une femme, ndlr]. A cette occasion, Electronic Arts avait déclaré sur son site :
« La Doma présente un certain nombre de problèmes pour les entreprises comme Electronic Arts, dans la mesure où cette loi engendre des complications pour les employeurs au niveau de la régulation, des impôts et de la discrimination, et c’est pourquoi nous nous y opposons. »
A la même époque, l’entreprise Thompson Reuters expliquait que l’amendement anti-mariage gay qui devait être passé dans le Minnesota était « mauvais pour le business« , car il pourrait « entraver [leur] capacité à recruter et à retenir les meilleurs talents« .
Un argument repris par l’entreprise General Mills, qui s’était également prononcée contre l’amendement du Minnesota pour des raisons d’ordre lucratif et entrepreneurial. Son vice-président avait ainsi déclaré :
« General Mills ne se prononce habituellement pas sur les questions d’amendement, mais ceci est un problème commercial qui a un impact sur nos employés. »
Pour Bob Witeck, président de Witeck Communications, une société qui conseille les entreprises sur les questions des droits LGBT, « les entreprises ont plus d’avantages que de risques à communiquer leur soutien aux personnes de la communauté LGBT. Celles qui se sont élevées contre la Doma veulent refléter les attitudes du marché actuel« . A quand des entreprises françaises se prononçant sur le mariage gay ?
{"type":"Banniere-Basse"}